À quinze ans, le talentueux Bruno Aubin fait ses armes auprès de Philippe Etchebest et Éric Frechon, avant de prendre son envol grâce à Top chef. À la tête du restaurant Cléo, à Paris, il propose une cuisine généreuse et authentique, libre de lui inspirer sa tendre enfance.
Philippe Etchebest, Éric Frechon… vous avez reçu une formation cinq étoiles. Qu’avez-vous tiré de leur enseignement ?
Ils m’ont transmis la rigueur. Le goût de la chose bien faite. Une cuisine sincère, fière de ses origines. Mon seul bouclier, face à Philippe Etchebest comme à Éric Frechon, c’était mon travail. Très jeune j’ai fait un stage à Saint-Emilion au moment où Philippe Etchebest a obtenu ses deux étoiles et il a assez vite compris que j’étais monté sur piles électriques (rires). Au bout d’une semaine ils m’ont transféré au poste des feuilletés et mise en bouche.
Novembre 2019, le moment est venu de vous lancer seul…
Après dix ans auprès d’Éric Frechon, entre le Bristol et l’ouverture du Drugstore, je me suis demandé si ce n’était pas le moment de faire ma propre carte, de me frotter à la clientèle. Le restaurant Cléo est venu me contacter et après un testing menu réussi, j’ai accepté. Cela représentait un challenge, car il y avait tout à repenser.
Cléo, c’est un restaurant d’hôtel, celui du Narcisse Blanc. Cette double casquette représente-t-elle une contrainte supplémentaire ?
Le Narcisse Blanc est un petit hôtel de 27 chambres, avec toutes les contraintes et pôles de restauration différents : service classique, service banquet avec une table de 12, petit-déjeuner, service en chambre. Cela me permet de répondre à toutes les problématiques d’un hôtel-restaurant mais à petite échelle, idéal pour faire ses armes. L’idée d’œuvrer à l’avenir, dans un plus grand hôtel, n’est pas à exclure.
Et au menu, chef ?
Chez Cléo, j’affectionne particulièrement l’Oeuf, le Haddock Fumé ou l’Artichaut. Ce dernier est issu d’une recette juive qui consiste à frire les feuilles puis à effeuiller et pocher le cœur. Résultat : un cœur fondant et des feuilles croustillantes dans un bouillon de coquillage à l’huile de céleri, oignons, épices…
Plutôt viande ou poisson ? La carte semble assez équilibrée à ce niveau-là.
Je préfère le poisson. Je viens de la Rochelle là où j’ai fait l’école hôtelière, c’est sans doute le côté iodé et l’univers de la pêche qui m’inspirent. Le week-end pour me faire des sous, je travaillais au marché local. À quinze ans, je savais dépecer un poisson.
Une petite madeleine de Proust dissimulée quelque part au menu ?
Mon petit « sneakers » revisité, par exemple. On est davantage sur une mousse au chocolat mais qui sort de l’ordinaire avec sa fleur de sel, son gingembre… J’ai en tête de sortir une tarte tatin mais j’essaie de la retravailler un peu avant de la proposer.
Ma mère me faisait de l’île flottante et des pommes caramélisées au four avec cannelle et boule de glace vanille. Si cela ne tenait qu’à moi, il n’y aurait que ces desserts à la carte.
Comment caractérisez-vous votre cuisine ?
Ma cuisine est authentique. Je n’aime pas mélanger les saveurs, au risque de perdre le fil. Un artichaut est un artichaut, un veau est un veau. Les gens ont besoin de cela aujourd’hui. Chez moi on travaille le produit avec différentes textures. C’est un style de cuisine assez universel. J’essaie toujours de ramener une note qui fera la surprise mais il y a des plats qui n’en ont pas besoin. Il faut toutefois que le reste suive, que la sauce soit parfaite.
Que préférez-vous dans votre métier ?
La liberté de créer, de manger. J’aime goûter des produits dès le matin. Être chef, c’est un tout, c’est être bercé dans une atmosphère particulièrement rassurante pour moi.
Si vous n’aviez pas été chef, que seriez-vous devenu ?
Dès que je touche à quelque chose dans ce monde, j’y arrive. J’ai une faculté à mettre la même envie, la même passion dans tout ce que j’entreprends. Dans une autre vie, j’aurais voulu être menuisier. Le bois est un matériau brut, noble, intemporel.
Certains plats sont issus de votre expérience chez Top chef (eha oui, il faut en parler…) Succès immédiat au Narcisse Blanc ?
Suite à l’émission j’ai vu naitre une petite communauté sur les réseaux sociaux. Il est vrai que nous sommes sollicités, les gens viennent goûter certains de mes plats vus dans Top Chef, comme l’Œuf ou le canard à la verveine.
Propos recueillis par Charlotte Engel
Photos : Guillaume Delaubier