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Chien noir : « J’écris pour soigner mon âme. »

Chien Noir, de son vrai nom Jean Grillet, dompte la musique en marchant sur un fil. Au bord de ce gouffre incertain, il cultive l’aisance et met à nue une part de son être.

Le chien noir, une figure tantôt effrayante, tantôt attendrissante. Que révèle cette identité ?

Chien noir fait allusion aux propos de Churchill lors d’une dépression mais aussi à des références littéraires. Ce que j’aime dans l’image du Chien Noir, c’est cette propension à m’évoquer l’enfance et tout un tas de choses. Chien Noir est arrivé dans ma vie à un moment où ça n’allait pas et avec le recul, je garde un souvenir positif de cette période. Et puis le noir, ne serait-ce pas toutes les couleurs à la fois ?

Le vide et l’ennui inspirent votre œuvre, pourtant vous prétendez qu’écrire est impossible lorsqu’il ne se passe rien dans votre vie. Comment expliquez-vous cette ambiguïté liée au vide existentiel ?

Il y a une différence entre l’ennui et quelque chose de terrible : la vacuité. Ce néant me terrifie autant qu’il fascine. Notamment à l’échelle atomique :  il y a du vide entre les atomes. Mon père était funambule avant que je naisse et, de fait, m’a transmis cet appel du vide. Le vide est multiple, à commencer par celui qui est en nous, comme de l’ordre d’un vertige. Il y a parfois du silence dans la musique, une sorte de fin de réverbération. La vie est faite ainsi. Le silence permet de lui donner un sens. La vacuité est néfaste contrairement à l’oisiveté qui me rend créatif et me connecte au monde. C’est la raison pour laquelle j’aime autant faire du vélo ou marcher.

L’évolution du monde actuel semble vous préoccuper.

Le monde dans lequel nous évoluons est très violent et il faut être capable de s’en protéger. Parfois il est légitime d’assurer notre survie. Les réseaux sociaux peuvent être destructeurs, surtout le fait de se comparer aux autres, mais cette idée est aussi contrebalancée par les rencontres humaines qu’on peut faire dans ce milieu-là. Toutes ces âmes sensibles et bienveillantes inspirent davantage d’empathie et de réjouissance dans la vie réelle.

En février, vous ne repartez pas les mains vides aux Victoires de la Musique et c’est le cœur plein d’espoir que vous décrochez le prix de la « révélation masculine de l’année ».

J’ai pour habitude d’écrire pour soigner mon âme et là je me retrouve aux Victoires de la musique. Cela m’a ouvert de nouveaux horizons et intervient au bon moment, après une année déjà formidable entre les Francofolies et la signature d’un label magnifique. Quelque part, une voix me susurre : « tu as ta place dans le monde. »

Vous avez interprété Histoire vraie, chanson qui désormais vous colle à la peau.

C’est la dernière chanson que j’ai écrite pour l’EP. Je l’aimais bien sans penser qu’elle irait si loin. Je ne sais pas si elle me représente mais j’en suis satisfait. Un piano-voix c’est très puissant d’autant que celui-ci évoque ma quête : qui suis-je ? Que voudrais-je être ? J’aurais aussi très bien pu interpréter « Lumière bleue », mise en paroles d’une nuit qui a transformé mon existence. Et oui, encore une. (Rires.) Cette chanson est le reflet de deux ombres projetées au plafond, dont la mienne, dans une lumière bleue. Un véritable tableau vivant.

Après la nuit vient le jour, vos textes le manifestent. La nuit vous fait-elle peur ?

Je suis très somnambule. Je me retrouve souvent debout la nuit et quand je me lève, c’est souvent lié à des moments de panique où je me débats contre une force inexistante. Cela engendre une sorte d’appréhension de la nuit. Chaque soir c’est le même questionnement : comment va-t-elle se dérouler ?

Pourvu qu’il y ait l’amour et le rêve, peu importe le reste ?

Certaines personnes m’ont sauvé car j’ai pu les aimer. Ce sentiment est une sorte de frontière qui mène à des endroits très divers. Notre façon d’aimer en dit long sur qui nous sommes, sur notre sensibilité, notre vécu. On n’en dira jamais assez sur cette thématique.

La place de la poésie dans vos textes ?

Une sorte de filtre, de rempart à l’ennui me semble inévitable pour avancer et cela passe par la poésie.

J’ai grandi avec les poètes : Prévert, Apollinaire, Rimbaud, René Char… jusqu’au jour où j’ai rejeté la poésie en dénonçant une sorte de complexité qui en émane. Bien souvent la poésie renvoie à des notions, des termes qu’on a jamais rencontrés. Je refuse que ma poésie soit une poésie de classe. La musique a toujours été une façon de diffuser des idées accessibles au plus grand nombre. Dans mes chansons vous ne percevrez jamais une formule alambiquée et cela relève presque d’un engagement politique.

Vous voudriez toujours chanter, rêver, la tête dans les étoiles.

Mon métier est viscéral et accaparant à un tel point qu’il est difficile de faire autre chose. Je ne conçois pas ma vie autrement. Toutefois, gamin je me rêvais astrophysicien, ce qui n’est pas si éloigné de ma profession actuelle quand on y réfléchit. D’une certaine manière quand tu élabores une chanson il y a une forme de procédure métaphysique. Quand tu es poète, tu élabores des théories sur la vie.

 Quel souvenir gardez-vous de vos collaborations avec d’autres chanteurs, notamment HollySiz ?  

La collaboration est vitale pour un chanteur. La première fois que je me suis livré à ce jeu, c’était en Toscane dans un cadre paradisiaque avec une nuée d’artistes. On a pondu 75 productions à un rythme d’enfer. Certaines sortiront, d’autres ne verront jamais le jour. J’aimerais beaucoup réitérer l’exercice.

 Avec qui par exemple ?

Aldous Arding, chanteuse d’outre-manche et pourquoi pas Frank Ocean.

 On attend avec impatience…

…la sortie de mon prochain single, le concert à La Boule Noire le 18 avril et le Printemps de Bourges le 22 avril.