Chez Orgueil à Paris tous les péchés sont permis, pourvu que les pécheurs se laissent tenter par du bon vin (nature de préférence) et une cuisine audacieuse. Cette table en regroupe deux, bistrot et gastro, menée par un virtuose de 27 ans, Eloi Spinnler.
Vous l’aurez compris chez Orgueil deux univers se font face, l’un, à la bonne franquette, esprit « cave à manger » comme il en fleurit autour de cette rue Popincourt (11ème), propice aux agapes nocturnes et afterworks prolongés. Derrière un miroir sans tain se trouve la partie gastronomique : une dizaine de couverts et un cadre intimiste auxquel on accède par les fourneaux. À la jonction, le chef Eloi Spinnler.
Côté bistrot, rien ne se perd, tout se transforme dans cette cuisine centrale avant de renaître à la table gastronomique dans un menu dégustation en 6 à 8 temps (7 si l’on coupe la poire en deux). Le pithivier, spécialité du Val-de-Loire : pigeon entièrement désossé, foie gras et épinards enveloppés dans une pâte feuilletée, attire particulièrement l’attention. Côté dessert, la tarte tatin crème miso ainsi que l’étonnante boule de glace pomme-soja procurent le même effet, en plus de contenir en eux une minutieuse part d’Asie. Cet iceberg baignant dans une mer de Calavados, puise dans les délicieuses notes sucrées et frappées du sorbet, propulsant cette création étonnante au rang de dessert deux-en-un (dessert et digestif).
Le chef de 27 ans, plus que jamais concerné par les problématiques de son temps, mène donc intelligemment une politique anti-gaspi, locavore et, via d’autres petites actions, parvient à intégrer ces valeurs dans une cuisine à la fois festive, pointue et responsable. Parmi les gestes les plus courants du chef : rassembler les restes de vin en une mer de vinaigre, conserver la moindre épluchure de légumes, métamorphoser les croquetas de l’apéro en un magret fumé maison de haute volée.
La carte des vins composée par le chef lui-même, avec l’appui de son second, puise à 70% dans la biodynamie et le vin nature, sans décevoir pour autant les amateurs de vins conventionnels qui trouveront leur bonheur dans cette sélection.
Une certaine sensibilité unit Eloi Spinnler à la cuisine responsable. Le chef prend aussi le parti d’inclure des fragments d’histoire personnelle dans ses assiettes. Petit-fils de chasseur, il partage volontiers son attachement au gibier, qu’il apprécie sous toutes ses formes, à condition d’en maîtriser la provenance (et de respecter la saison de la chasse). Ainsi il collabore avec un réseau de chasseurs de Sologne ou de Bourgogne. Le filet de chevreuil, le lièvre à la royale… si ces recettes séduisent de moins en moins la jeune génération, il compte bien leur redonner un peu de leurs lointaines lettres de noblesse. Car il défend une cuisine de transmission et celle-ci passe par son amour du produit tels qu’en automne, les légumes oubliés – topinambour, panais – dont il cherche à redorer le blason, les poissons rares de lacs alpins – omble chevalier -, les richesses fromagères insoupçonnées – trappe d’Échournac- à propos desquelles il n’hésite pas à partager une anecdote.
Eloi Spinnler y tient : la préservation de la qualité, de la fraîcheur, se fait aussi bien par un processus de circuit-court que plus tard dans la cuisson. Ainsi, l’écrasé de pommes de terre, qui accompagne notamment un poulpe breton à la sauce teriyaki, est servi tiède sous peine d’en altérer le goût.
Rien n’échappe à un chef orgueilleux !
Orgueil
6 Rue Popincourt
75011 Paris
Tapas : entre 9 et 18 euros à l’unité
Menu dégustation : 67 euros
Journaliste et photographe, Charlotte partage ses bons plans food et musique, à Paris et ailleurs
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