Cet établissement parisien, sis rue du Louvre, livre une expérience gastronomique d’exception. La cheffe triplement étoilée assure une partition culinaire flirtant avec le sublime. La transmission des goûts croise la franchise des saveurs et une exquise gourmandise. On a fait une halte à cette table de référence, qui laisse place à des somptueux crûs révélant un amour du terroir et du Japon. Un voyage en première classe !
Intrinsèquement liée à des valeurs familiales et une histoire de transmission sur quatre générations, la cuisine-récit de Anne-Sophie Pic est marquée autant par un perfectionnisme aigu ainsi que par la réminiscence de promenades et de voyages aux quatre coins de la planète. Seule femme cheffe en France à détenir trois étoiles, elle fait se rencontrer en profondeur les meilleurs produits qui s’épanouissent dans un art de la métamorphose unique : « Plus qu’un simple terme technique, l’imprégnation est une pensée qui regroupe plusieurs gestes et préparations. Elle est plus proche de la philosophie, ma philosophie de la cuisine au sens large. » Sous la gouverne des émotions et dans la magie de l’instant, sa cuisine décomplexée fait évoluer constamment sa trame aromatique tout en équilibre. Se jouant des frontières, elle met en lumière un caractère épicurien dans d’heureuses associations multiples explorant toutes les dimensions du goût. Pour mieux comprendre ce cheminement traversé par l’audace et la libre expression, on part sur le menu déjeuner en cinq séquences conduit par la maestria du chef exécutif Jordan Theurilat. L’Huitre Tarbouriech, sous crème glacée au combawa et shiso pesto à l’oseille et à la pistache livre une troublante fraîcheur soulignée par le dry martini sans alcool ( distillat aux agrumes, sirop de sencha et citron vert). On prolonge ce premier instant de félicité par la célèbre spécialité du Berlingot aux champignons au kombu rôti et algues marines dans un accompagnement bienvenu au thé Gyokuro (thé vert japonais le plus noble de Kyoto) sous la suggestion avisée de la cheffe exécutive sommelière Paz Levinson. Règne alors un vif crépitement dans le palais.
Une adepte du décloisonnement permanent.
On succombe ensuite au légendaire Turbot Cotier laqué au miso, céleri et figue sabayon au thé macha et feuille de figuier. Ce pur moment de bonheur, sublimant de manière complexe le produit, révèle l’orfèvre d’une cuisine adepte du décloisonnement permanent. Princier et tout à propos, le Condrieu Combe de Malleval Domaine Ogier 2021 surpasse toutes les attentes dans un mariage gustatif sous le signe de l’harmonie parfaite. Très attendue aussi, la venue du filet de bœuf salers mariné au rooïbos et poivre cubète sous betterave rouge et mûre ( ingrédient fétiche au sein de la Maison Pic) nous confirme que la cheffe autodidacte valentoise à l’invention dans le cœur et la passion dans le sang. Cette symbiose réussie entre arômes et saveurs nous fait ressentir toute la générosité dans la quête de la parfaite cuisson et de la potentialité de chaque ingrédient.
La recherche culinaire rend hommage au renouveau et à l’émancipation des accords gastronomiques. Le passage sur l’apothéose sucrée du dessert est l’occasion de découvrir le talent du chef Exécutif Pâtisserie Eric Verbauwhede qui nous invite à faire la rencontre avec l’incontournable et irrésistible Millefeuille Blanc avec sa crème légère à la baie rose pamplemousse et gin pink pepper. Cette élégante création-signature est transcendée ici avec la dégustation associée d’un majestueux Montlouis sur Loire ½ Sec La Genouillère Domaine La Grange Tiphaine 2020. Au-delà de l’exactitude de la technique et de la l’extrême finesse en bouche forçant le respect, on découvre dans ce cadre chic à l’aura zen, une table remarquable où le terroir est une éternelle source d’inspiration. La « Meilleure femme chef du monde » nous initie au plus près à l’histoire et au savoir-faire des artisans et producteurs du monde entier. On ne peut que saluer cette cuisine de cœur douée d’une âme faite de grande bonté.
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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