Présidant aux brillantes destinées du célèbre restaurant étoilé Pur’, au sein du palace Park Hyatt Paris-Vendôme, ce chef charismatique fait de la liberté son mantra. La justesse et la précision de l’assiette n’ont ici d’égales que la l’inventivité et la générosité du cœur.
La célèbre cuisine ouverte du restaurant donnant sur l’olympienne rotonde à l’esprit boudoir nous en dit long sur « l’esprit couture » si caractéristique du Pur’ bercé par l’élégance de la Maison Paquain tout autant que par le génie du décorateur visionnaire Ed Tuttle. Les majestueuses colonnes en pierre de Paris, le paravent-miroir, les velours piqués nous disent que Jean-François Rouquette est un compétiteur de haut vol, aimant à se surpasser sans cesse, mais aussi un véritable esthète. En effet, ce chef, à la virtuosité inimitable, aime faire aboutir les idées naissantes, sans narcissisme, dans une convivialité soulignant une cuisine pensée « comme un carnet de voyage où les petites touches et choses vues à l’étranger construisent un univers ». Le challenger assumé précise aussi ceci : « J’ai toujours été libre et me situe entre deux terres : d’un coté la tradition, de l’autre l’évolution».
On embarque pour cette dégustation d’exception sur la base d’un menu en six services. Les premières émotions ne se font pas attendre avec l’arrivée de la ravissante chair de Tourteau, zéphyr de potiron anisé en jardin marin à l’ail noir. Le chef et sa talentueuse collaboratrice Ai Okabayashi livrent un préambule où le produit se fait roi. On constate que la cuisine de l’instinct du Pur’ ne peut se comprendre mieux que dans la spontanéité et dans le mouvement. Proche de l’ultime perfection, la souveraine Saint-Jacques à toute vapeur dans le prolongement se révèle à son zénith dans une association de gingembre et agrumes-bouillon de crevettes grises torréfiées. Ensuite, vient la ravissante croustade de cèpes de châtaignier mariée à la cecina & benoite urbaine. Une subtile composition où l’audace se fait malice en bouche. On vit l’instant suivant comme une forme de recueillement et de joie trépidante avec l’irrésistible pigeonneau rôti à la mélasse de caroube sous un clafoutis de pomme Reinette, jus de cassis et au poivre long. Le plat flatte la rétine et affirme un dressage digne d’une œuvre d’art proche du champ de la vanité. Les papilles en émoi nous amènent sur les terres aveyronnaises du chef et nous font voir un atlas de paysages où conversent des gorges aux eaux émeraudes et de profondes vallées fertiles.
Un plat à l’aura magistrale.
Les saveurs sont inattendues, le palais vibre et le cœur palpite sous les beaux mots du directeur du restaurant Jean-Baptiste Jourdan. Ce subtil plat à l’aura magistrale est sublimé par les conseils de l’éloquent chef sommelier américain James Barnett qui nous propulse dans des sphères divines avec une partition en trois temps faisant succéder un magnifique chenin Domaine du Saut au Loup, un admirable Saint-Joseph Blanc du Domaine Bernard Gripa et un complexe Meursault Racines Croisées en 2018. Sonne alors l’instant du dessert particulièrement attendu.
La cheffe coréenne Naraé Kim nous plonge dans un monde de délices bousculant toutes les attentes hors des sentiers battus avec les grandioses Figues noires de Bordeaux en Kadaïf, eau de figuier aux baies roses, sorbet coco et feuilles de figues. Le temps s’arrête dans une place à l’imprévu que met en exergue un providentiel Saint-Emilion Grand Cru Chérubin 2012 qui convoque cette pensée subite : la cuisine c’est beaucoup plus que des recettes. C’est un sacerdoce conciliant un souffle de liberté et un long apprentissage de la sagesse. Modeste dans la victoire Jean-François Rouquette (passé chez Christian Constant, Taillevent, Le Martinez et Le Crillon…) atteste qu’il sait entendre, loin du « vedettariat », le silence et qu’il aime foncièrement la nature. En quittant le Pur’ et en remontant à la nuit tombée la rue de la Paix, on la a certitude que cette table a belle et bien ce supplément d’âme et cette humanité en mesure de nous grandir et de nous rendre meilleurs !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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