Au sein de son vaisseau-mère parisien de la rue Surcouf, ce chef franco-cambodgien signe une cuisine gastronomique de saison allant à l’essentiel. Une table étoilée en 2019, voyeuse et rassembleuse, où le l’art du dressage est à son zénith. Et qui a trouvé, il va sans dire, ses adeptes !
A quelques pas des Invalides, cette table attire une clientèle de fidèles qui vient chercher aussi bien la célèbre côte veau de un kilo à partager que la gourmande sole signature du petit bateau ou encore la sublime langue de boeuf en fine tartelette gribiche et navet mariné, graines de moutarde. Ici l’échange avec le client est une chose qui importe autant que l’attention porté aux produits. Passé par Taillevent sous la houlette d’Alain Solivérès, le Meurice du temps de Yannick Alléno et le Daniel à New York, le chef Tomy Gousset (Photo ci-dessus Crédit : Guillaume Lechat) mise sur le concret. Pas de fioritures dans sa cuisine qu’il peaufine avec ses collaborateurs. On opte pour l’expérience du menu dégustation qui débute avec les divins poireaux confits aux algues de nori&pourtargues, yahourt à l’aneth et oxalys rouge, avocat. Sur cette belle entrée en matière, le jeune chef sommelier japonais Kenta Morimoto image un accord mets et vins judicieux avec le très aromatique Sancerre Nuance de Vincent Pinard et son doux filet minéral.
Plat signature de la maison, les ravageurs Gnocchis frits à la truffe noire, beurre d’épinards&châtaignes caramélisées, chèvre sec râpé font ensuite leur entrée triomphante. On est doublement comblés par la proposition de l’élégant Saint-Peray de Stéphane Robert du magnifique Domaine du Tunnel. Thibault Piotto, en qualité de second, nous avait bien averti lors de notre arrivée qu’ici le dressage était une vertu cardinale. L’arrivée du ravissant gâteau de sandre le confirme aussitôt. Servi avec sa bisque de crevettes grises&oeufs de truites, gratiné de poireaux et ciboulette, ce plat irréprochable flatte autant la rétine qu’il caresse le palais. On sait alors que les fourneaux de Tomy&Co livrent, sans arrogance ni posture, transmettent leurs plus beaux secrets. Soignés par un magistral Saint-Aubain du grand David Moret on jubilerait presque…
Les saveurs précises se marient sans heurt
Avant que ne survienne ensuite, comme une apparition, le princier suprême de pigeon et sa rôtie, patate douce&pissenlits, sauce pistou, pomelos, riz soufflé. La cuisson redoutable sur cet exercice est un sans faute et ses saveurs précises se marient sans heurt. Seul un somptueux et souverain Vosne Rosmanée, servi en jéroboam, est en mesure d’accompagner l’oiseau et cette émouvante scène de vanité. On se remet paisiblement de ses troublantes émotions quand sonne alors l’heure du dessert portée par la brillante chef pâtissière coréenne Jee Yeon LEEM qui forgea son talent auprès de Cyril Lignac et de Guillaume Flochon.
Le dément feuilleté croustillant, ganache chocolat &glace poire, cacao râpé et praliné ne nous laisse pas indifférent. Cette étape sucrée, telle une parenthèse enchantée témoigne d’une vraie quête de l’émotion. On savoure ce silence de la reconnaissance accompagnée d’un Gewurztraminer Spätlese 2021. Nous sommes aussitôt portés, en noces parfaites, par cette expression aromatique intense qu’émettent des notes d’ananas, de mangue, de pêche blanche, de litchi, de miel, de pomme verte, de fleurs blanches et de mandarine. La bouche est onctueuse, très parfumée et le sucre naturel semble presque s’effacer grâce à la belle acidité de ce vin. Au sortir de cette table au décor joyeux , nous sommes conquis par les cuissons impeccables dans des assiettes millimétrées qui portent en elles cette générosité fringante qui revigore et régale. Un petit bonheur !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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