Bonne gueule du grand et du petit écran, Thierry Neuvic revient dans la mini-série La Recrue. Il y campe un flic bourru aux prises avec un nouveau partenaire, jeune et bondissant voyou à la ville. Dès lors, comment éviter les poncifs et les clichés ? Le jovial comédien s’en explique.
Comment êtes-vous arrivé sur une telle création TF1 ? Êtes-vous tes sollicité ou passez-vous encore des essais ?
Je crois qu’avec le temps, j’ai noué de bons rapports avec toutes les maisons, ce qui est bien. Pour La Recrue, c’est la production qui m’imaginait dedans. Ils m’ont demandé de passer à leur bureau pour me raconter un peu ce qu’il en était. On s’est mis d’accord dans un enthousiasme commun et c’est parti comme ça.
Discutez-vous le personnage dans ces cas-là ? Apportez-vous votre « grain de sel » ?
En tout cas, dans cette série-là, il y a des petites fenêtres que moi j’ai demandées, des dialogues un peu aménagés. J’aime bien participer ne serait-ce qu’au remaniement des dialogues, ce genre de choses…
Qu’est-ce qui vous plaît dans ce personnage de flic bourru ?
Déjà, j’aime bien déjà le ton de la série qui joue sur la comédie. Des comédies qu’on a tous aimées, comme L’Arme fatale, ce genre de duo. Ainsi que les thèmes abordés, à savoir les conflits de génération, la deuxième chance, le deuil, parce que mon personnage vit un drame, c’est-à-dire la disparition d’un enfant dans des conditions mystérieuses. Il y a une espèce de vide, de trou à l’intérieur de lui, un trou béant. Toutes les failles de ce personnage, les thèmes abordés, les petits pieds de nez aux petits codes sociétaux, à savoir que mon personnage, à première vue un peu bourrin, avec son gros 4×4, a pour compagne sa cheffe. Il y avait plein de petites choses comme ça qui me plaisent.
Pour ce qui est de l’écriture, est-on moins exigeant lorsque c’est de la « série populaire » ou le niveau reste-t-il le même que pour tout autre projet ?
Il faut être un minimum exigeant de toute façon, quoi qu’on fasse, qu’on soit dans le populaire ou dans l’« intello ». Nous ne sommes pas là pour donner des restes à manger. Il ne faut pas faire n’importe quoi. Regardez les grands succès comme La Grande Vadrouille, les films de Gérard Oury, c’était hyper précis. Il faut de l’exigence et c’est pour ça que j’aime avoir un regard sur l’écriture, sur les dialogues. Quand je vois des incohérences ou des choses un peu trop faciles, de grosses ficelles, avec les auteurs, nous essayons de dénouer ça, de mettre la barre un peu plus haute, au maximum même sur ce qu’on fait, quel que soit le registre.
Vous considérez-vous comme un acteur populaire ?
Oui, mais pas populiste, on est bien d’accord. Populaire dans toute sa noblesse évidemment. Moi-même, je suis bon public. Je peux regarder des choses hyper pointues, j’ai pu bosser avec Michael Haneke – on ne peut pas dire que ce soit dans le registre populaire -, mais aussi avec Guy Ritchie qui peut faire du gros cinéma d’action. J’aime la culture populaire, vraiment, c’est rassembleur. Et c’est pour ça qu’il faut travailler justement. Il faut que le résultat soit bon. Pour en revenir à votre question, je crois que je dégage un truc un peu accessible. Mais, au fond, ce n’est pas à moi de le dire.
Avez-vous une anecdote, drôle ou pas d’ailleurs, sur vos rapports avec votre public ?
Quand j’ai interprété Jean-Michel Paoli dans la série Mafiosa, visiblement, j’ai bien fait mon boulot. Un jour, en prenant un avion pour Ajaccio, je tombe sur un groupe de jeunes gars qui m’interpellent : « Oh là là, Jean-Mi ! Jean-Mi ! » Je leur réponds : « Vous savez Thierry, c’est bien aussi. C’est mon prénom d’ailleurs. » Et les gars me questionnent : « Thierry, t’es d’où en Corse ? Pourquoi tu ne veux pas le dire ? » Le vol se passe. On atterrit à Ajaccio. Ils reviennent vers moi et ils me disent : « Bon allez, tu viens d’où, p*t*in ? » Et là, je leur donne un nom de village corse que je connais très bien, Morosaglia. Là, un des mecs de la bande lance : « Je le savais ! » C’est ce genre de choses qui me fait dire que j’ai bien fait mon travail.
Si aux États-Unis, acteurs de cinéma et de séries passent aisément d’un support à un autre, est-ce la même chose en France ?
C’est mieux qu’avant évidemment, mais on reste encore un peu snob chez nous. Si vous tournez de grosses séries sur Netflix, ça va. Mais si on fait trop de ceci, trop de cela, sur des chaînes plus « classiques », ça peut bloquer. Moi qui ai vécu à l’étranger, la France, c’est un peu le seul endroit où j’ai vu ça. Mais les ponts se font de plus en plus.
De tourner avec Michael Haneke, Guy Ritchie, Clint Eastwood même, avec Au-delà en 2010, cela a-t-il fait ouvrir des portes ?
Je n’ai jamais fait de plans et de projections, vraiment. Je marche beaucoup au moment, à l’instinct, à la rencontre, à la spontanéité. Quand j’ai fait Cannes avec Michael Haneke, en 2000 je crois, c’est plutôt les gens autour de moi qui me disaient : « Ça y est, c’est parti ! » Je n’écoute pas ça parce que je ne sais pas ce que ça veut dire, vraiment. Ce n’est pas quelque chose auquel je m’attache, parce que ça peut être très vite décevant. Rien n’est acquis dans ce métier. Je continue de travailler, je me rends compte que je suis encore là. Je ne tiens jamais rien pour acquis parce que j’ai travaillé avec un tel ou un tel réalisateur. Du tout.
Jamais envie d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ?
Ma culture est française. Je suis né ici, j’y ai ma famille, mes amis… Bien sûr, s’il y a des projets momentanés à l’étranger, ce que j’ai fait d’ailleurs plusieurs fois, je suis partant. Après, partir vivre à l’étranger pour l’instant, ce n’est pas du tout le propos. Je répète : je n’ai pas de projection. Mais en tout cas, pour travailler, je peux aller partout sur la planète !
La Recrue d’Alexandre Coffre et Alexis Charrier avec Thierry Neuvic, Ethann Isidore, Judith El Zein… A partir du 6 mai sur TF1.
Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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