Pensé sur le modèle de la résidence d’artiste, La Table des Chefs de la Maison Mumm, accueille jusqu’à début novembre, ce chef japonais trois étoiles en qualité de « premier invité international ». Et aux commandes de la carte des vins ? Le meilleur sommelier du monde : Raimonds Tomsons. Rien que ça !
Il est des odyssées gastronomiques, immersives et expérientielles, qui restent à jamais gravées dans nos mémoires. Alors, bien sûr, impossible de ne pas aborder, un instant, avant de passer à table, Arbane la table du moment à Reims dirigée par le MOF Philippe Mille à deux pas d’ici. Ceci étant fait, nous passons aux présentations de rigueur et débutons notre « aventure culinaire » du jour. Depuis le 6 juillet dernier, le chef japonais Hideaki Sato (digne ambassadeur de la cuvée RSRV), sévit au sein de l’hôtel particulier Mumm, dans le sillage de Mallory Gabsi, Florian Barbarot, Kelly Rangama et Tom Meyer. C’est hors des murs de son restaurant Hongkongais, que cette figure montante de la scène tokyoïte, de 48 ans, fait part ici du génie sa cuisine franco-nippone. Pour rappel, il a fait ses armes sous la direction de Seiji Yamamoto au fameux restaurant Nihonryori Ryugin avant d’orchestrer le Tenku Ryugin de Hong Kong pour lequel il obtient les deux macarons Michelin.
En 2015, Sato s’affranchit en ouvrant, toujours à Hong Kong, sa première table : Ta Vie, enseigne à double sens où la signification existentielle française devient celle du « voyage » en japonais. On part sur le Menu Six Séquences qui promet des jeux de correspondances de très haute volée. En amuse-bouche, un ravissant foie gras infusé au ratafia de champagne, chips aux pinots noirs et pain aux noisettes avec fromage et bacon. C’est particulièrement réussi car les noisettes répondent parfaitement au foie gras. En entrée, une sublime burrata avec salade de tomates et pamplemousse, huile de basilic et gel de champagne. On apprécie les trois types de tomates travaillées sans effets de manches : mondées, confites et naturelles torréfiées. Dans la foulée, une remarquable huître pochée sous sa tendre coquille, sauce au beurre blanc et caviar osciètre. Sur l’accord, un RSRV 100% chardonnay Grand Cru 2015 du village de Cramant, sec avec une acidité maîtrisée. On aime sa grande netteté et sa jolie tension. On nous propose aussi, sinon, un merveilleux Pouilly-Fuissé Vieilles Vignes 2015 de chez Rijckaert. Simplement divin.
Un temps suspendu des délices.
La température, sur ce plat des plus exigeants, est un vrai sans faute. On savoure le coté minéral et crayeux de la coquille et l’effet écailles de céléri. Une pure merveille. L’étape suivante de notre exploration gustative nous laisse sans voix : le fameux crabe et artichaut en gratin. Eperdument libre, ce plat gratiné à la béchamel, panka aromatisé au sésame blanc, graines de coriande et quelques épices a tous les attributs d’une oeuvre d’art. Sur le versant sommellerie, on opte pour un Montlouis Les Bournais 2022 du Domaine François Chidaine. Ce 100 % chenin blanc livre au nez ses notes délicates de fruits blancs. En bouche, on est séduit par sa touche exotique, exprimant des arômes subtils d’ananas et de mangue. Tout se déroule au mieux dans cet espace serein du bar où les tables donnent sur le paisible jardin de l’auguste demeure familiale. Moment phare de ce six temps au sommet, la renversante langoustine, poêlée, petites giroles et bulot, s’avère être un temps suspendu des délices. On détecte les arômes subtiles du salsifi se prolongeant dans sa sauce au beurre blanc et jus de cuisson de tous les ingrédients réunis. La cuvée RSRV Cuvée Lalou est un pur enchantement à travers de sept grands crus dans un assemblage 50% chardonnay 50% Pinots Noirs. Sous les battements de tambour, le princier pigeon grillé avec son huile de sésame et truffe d’été illumine la table toute entière.
Servi avec une purée de patates douces arômatisée au sirop d’érable, cette création du tonnerre rayonne par sa générosité et sa très grande élégance. Dans le verre, on se délecte d’un 100% Pinots Noirs du coté de la Haute Bourgogne avec un excellent Marsannay Clos du Roy 2018 du Domaine Charles Audouin. On adore le coté rose séchée et rose rouge « velvet », légèrement fumé. Pour l’instant sucré du dessert, le chef se surpasse de nouveau avec sa sidérante tarte à la glace pistache, framboises fraîches et marmelade d’orange. On plonge, sans retenue et coupable, dans la régressive partition de ce sablé crémeux pistache et meringue infusée aux zestes d’agrumes. Au nez, la grisante cuvée RSRV rosé sous assemblage millésimé 30% chardonnay 70% Pinots Noirs. On quitte les lieux, des rêves plein les papilles en faisant un crochet, bien sûr, par les caves historiques sur trois niveaux et s’étendant sur près de 25 kms… Et dans un dernier mouvement, nous irons nous reccueilir, dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix dite Foujita. L’édifice religieux rend hommage à l’artiste japonais Tsuguharu Foujita (1886-1968) admirateur du cubisme et de l’art singulier. Après une visite accélérée de la basilique Saint-Rémi à Reims, il se convertit au catholicisme en 1959 et prend le nom de Léonard Foujita. Avec l’aide de son parrain, René Lalou, directeur de la Maison de Champagne Mumm, il décide de bâtir et de décorer cette chappelle jouxtant la demeure familiale face aux caves ! www.mumm.com
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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