Après avoir bourlingué en Grande-Bretagne et au Japon, ce chef étoilé au Michelin et à la tête du restaurant La Maison dans le Parc à Nancy, surprend sa clientèle avec une subtile partition où la simplicité n’exclut pas la beauté. Une signature qui se comprend à travers le tandem que le maître-queux forme avec son épouse Roxane. Découverte !
A deux pas de la place Stanislas, considérée par beaucoup comme la plus belle place royale d’Europe et inscrite au Patrimoine mondiale de l’Unesco depuis 1983, la cuisine française twistée d’influences japonaises de ce chef en pleine ascension met à l’honneur, sur chaque bouchée, le bon sens paysan en travaillant le produit « de la queue jusqu’aux oreilles » et mettant sous ses plus beaux attraits la parure du légume dans une approche éco responsable juste et raisonnée. Récompensé par le Prix Culinaire Taittinger (devenu Prix Ars Nova) et aux commandes, depuis l’été dernier, des deux restaurants Umé et Yozora du Centre Pompidou de Metz, il exprime dans l’assiette son amour pour l’Asie avec des pays de prédilections comme le Japon mais aussi le Cambodge, la Thaïlande ou le Vietnam d’où il revient. Si l’on compte son Food Truck Izakaya, l’entrepreneur qui se prédestinait à une carrière de basketteur, compte pas moins de 70 salariés à ce jour. Autant « fan » de ramen que de galettes bretonnes, Charles Coulombeau partage avec ses équipes son attachement pour le goût glutamate de l’umami et pour une cusine franco-japonaise ne cessant d’explorer le monde du goût hors des sentiers battus. Pour illustrer le propos, on pense à sa bière Stout Kinokoa aux champignons qu’il a créée avec la brasserie nancéenne La Délicatesse et qui offre des accords mets bières inédits.
L’homme ne se départit jamais de sa quête quotidienne de saveurs mystérieuses et des textures qui explosent en bouche sous des portions aux intentions généreuses. Parmi ses compositions signature on pense à ces deux plats qui ont trouvé leur public : l’appétissant bœuf – foie gras – hispi- yuzu- anguille ou encore l’élégant bœuf – betterave – noix – anchois. Jouant également sur un autre excitant terrain de jeux, celui du condiment iodé du caviar, le chef dit aimer passionnément les produits que l’on « sent » et que l’on peut clairement identifier. Attablé coté jardin avec vue plongeante sur le parc, on débute sereinement notre dégustation avec de ravissants canapés qui préparent le palais et où la créativité ne fait pas défaut. On découvre ensuite le fameux « Haricot en 30 préparations » où la mirabelle et le mirin trouvent bonne place. Un sake Dan Junmaï – Sasaichi Shuzo assure un accord des plus convenables. Arrive ensuite la Truite Vosgienne Ikejime qui convoque allègrement le caviar et le lait fermenté ribot. C’est plutôt bien vu. Dans le verre ? Le bienvenu AOC Alsace « Complantation » 2023 de Domaine Marcel Deiss qui stimule notre belle progression.
Les influences japonaises comblent le corps et l’esprit.
A mi-parcours de notre déambulation gastronomique, nous sommes impatients de voir comme se présente le Thon, annoncé par le sourire par le brillant chef de rang Adrien et qui a été travaillé en ventrèche avec Yuzu, Miso et Betterave jaune. C’est vraiment plaisant avec l’IGP Drôme « Fleur de Rolle » 2023 de Valentin Belle mettant au diapason les cépages Rolle et Chenin Blanc. Pour le moment dit « terre » du chevreuil, pensé avec céléri Rave, Estragon et Uméboshi on constate que les influences japonaises comblent, sur ce fier gibier, l’esprit autant que le corps. Coté Vin, sous la judicieuse suggestion de la jeune Chef Sommelière Valentine Charron, le vaillant AOP Saumur Champigny « Les Clos Lyzières » 2019, du Domaine Le Petit Saint Vincent, flatte délicatement le palais sans ostentation. Quand arrive le temps du dessert, sur cet aérien six temps du Menu Dégustation, on est agréablement comblé par Le Soufflé à la Clémentine qui fait virevolter en bouche, dans la joie, ses notes automnales de coing Noir et de vinaigre basalmique parfumé au basilic. Un instant absolument régressif convenablement accordé avec un réconfortant Kaga Umeshu.
En quittant les lieux, qui furent l’ancienne demeure de Françoise Mutel pour ceux qui s’en souviennent, on se dit que la cuisine enlevée de Charles Coulombeau (passé par quelques très beaux étoilés avec sa compagne Roxane, à savoir les Prés d’Eugénie, la Maison Lameloise, La Table des Frères Ibarboure, Gravetye Manor) cultive une cuisine d’auteur sincère recherchant la quintescence du goût dans un nouveau souffle contemporain. La passion des gourmets habite les deux salles, de 40 et 20 couverts et la clientèle répond présente dans une bel entrain. C’est certainement là qu’il faut voir le vrai baromètre. Dans cette bonne humeur communicative. D’autres diront peut-être que la mémoire et la magie des arbres centenaires du parc, non loin des cuisines, y sont aussi certainement pour quelque chose. Un établissement qui fleure le vivant et où l’on fonctionne visiblement à l’instinct !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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