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Au delà de L.A.

Arpenter Greater Palm Springs, c’est découvrir une Californie hors de ses métropoles, cultivant avec tact la mémoire de son âge d’or, mais plus que jamais branchée, vibrante et chic. Sur les traces de Sinatra et de DiCaprio, du style « Shag » tout comme des plus belles tables, Edgar vous offre une plongée dans un Ouest américain comme rêvé.

« Je voudrais qu’on aille à Palm Springs ce week-end. J’ai besoin d’un massage, d’un bain d’eau chaude minérale et de me faire des intraveineuses de margaritas. » C’est une des répliques les plus drôles du savoureux The Player (1992) de feu Robert Altman, thriller grinçant sur Hollywood, ses manières et ses mœurs. Entre l’usine à rêves et l’oasis de luxe bâtie en plein désert existe un lien presque sororal. Une légende tenace veut que la ville ait été choisie pour servir de refuge aux stars de l’âge d’or du cinéma américain. Tout en restant assez proches des sirènes des studios en cas d’appel urgent. À deux heures de route exactement.

Détente dans la piscine de la Pink Door House, une résidence privée très convoitée.

The Player, on y revient : « C’est à deux heures de route. Tu vas aimer. Ça te rappellera l’Islande » s’enhardit, face à sa maîtresse, le producteur campé par Tim Robbins. Mais à 42 degrés affichés ce jour-là, vous êtes tout de même loin des pays nordiques. Dans son roman Le Parc aux cerfs, le turbulent Norman Mailer rebaptise la ville « Désert d’or », lieu de toutes les orgies et de toutes les trahisons. Palm Springs, une réputation entre glamour et stupre ? Il ne faut jamais trop croire les conteurs. Même excellents.

La Maison Kaufmann de l’architecte Richard Neutra à Palm Springs, une icone architecturale de style mid-century.

Un été sans fin

En quittant la Cité des Anges, ses palmiers, ses néons et ses boulevards de papiers gras, une fois crevé l’abcès des derniers bouchons, c’est une Amérique de roman épique qui s’ouvre à tous les regards. Se traversent des vallées brunies sous un soleil de plomb, des plaines asséchées à en devenir lyriques. Un spectacle naturel et élégiaque à ne pas s’étonner que de grands auteurs puissent jaillir ici du moindre trou perdu. Sur la route, les grands panneaux publicitaires, les fameux billboards, se succèdent. Ils offrent un condensé de la culture à venir, le dos tourné à Hollywood : hôtels paradisiaques, casinos mirifiques, spas confidentiels et… cabinets d’avocats tous risques.180 kilomètres séparent Los Angeles du Greater Palm Springs, cette constellation de petites villes parfois légendaires au charme si singulier. Palm Springs, la non moins célèbre Indian Wells, la culturelle et noceuse Coachella, la suave Palm Desert, l’authentique Indio et d’autres encore…

Golfs et oasis verdoyantes surgissent des terres arides du Greater Palm Springs.

La verdure, dont la vivacité détonne sous les températures, se fait de plus en plus présente. Vous voilà arrivé dans une oasis comme l’Amérique aime à s’en créer, indolente et exclusive. Premier arrêt à Indian Wells, centre d’une des compétitions majeures du tennis made in USA. Jouer un set sous un tel cagnard laisse rêveur. « Les compétitions ont lieu en mars » vous rassure-t-on du côté des filets.

A la nuit tombée, autour des braseros du Miramonte.

Au Tommy Bahama Miramonte Resort (45000 Indian Wells Lane), un hôtel inspiré d’une marque de vêtements et de design renommée, à l’heure où le soleil se fait moins impérieux, des dames californiennes jouent leur Summer break au bord de la piscine. Cris et musique restent mesurés. Nous ne sommes pas à Cacún, Dieu merci. Le soir, à la table qui leur a été réservée, des jeunes filles bien mises se sont maquillées comme dans Dynasty. Question « princière » : To have an attitude ? Tout le monde exulte dans un brouhaha de cantine classe. Pour ensuite, la nuit tombée, se retrouver plus cléments autour des braseros. Aucun Éclats digne donc de Bret Easton Ellis – son roman de 2023 s’offrait quelques détours dans les environs.

Communautés & voluptés

En remontant les longues avenues placides, la curiosité vous porte forcément sur ces grands terrains cloisonnés, avec barrières de sécurité, caméras et gardiens affables en uniformes. L’Amérique des « communautés » – pas celle des quartiers, des barrios, du Bronx ou de Compton – s’est construite ici de la manière la plus idéalisée. « Les questions d’idées sont vétilles entre fortunes égales » résumait Céline, l’écrivain maudit du côté de Meudon, Hauts-de-Seine. Conservateurs ou progressistes, WASP, « natifs » accomplis, mondains afro-américains ou queers (un des plus grands festivals lesbiens au monde a lieu ici chaque année)… À Greater Palm Springs, tout le monde paraît se fréquenter avec un rayonnement, une cordialité qui lui sied merveilleusement au teint. Au Patriot Store (73760 El Paseo) de Palm Desert par exemple, des dames aux cheveux argentés, aimables et bénévoles, vous vendent tous les gadgets possibles à la gloire du Parti Républicain et de son bouillonnant candidat. Pas de quoi irriter pour autant les commerçants voisins qui proposent vêtements de luxe, bougies new age ou tout un ameublement d’inspiration sixties (dont la boutique H3K Home, 501 S Palm Canyon Dr, est la meilleure ambassadrice). Le style local consacré s’appelle « Shag » – un hommage à la décontraction chic des années les plus glorieuses de la région. Les références s’y cultivent avec humour et couleurs chamarrées. Un parasol vert pomme, des verres illustrés par un artiste du cru, du jaune, du violet, de l’orangé… Et voilà le Rat Pack s’invitant à votre table.

Au Bar du Porta Via à El Paseo.

Cette imagerie a inspiré le cadre du Porta Via (73100, El Paseo), table rafraîchissante et smart, tenue par Rebecca Elliott, citoyenne de Palm Springs depuis 2010. Elle confie : « Il y a ici un désir commun de créer quelque chose comme une île intemporelle… une oasis. Et, que l’on soit touriste ou local, trouver une oasis en plein désert vous procure toujours une immense satisfaction. » L’occasion de se réhydrater pourquoi pas avec une Piña Picante (16$), une Piña Colada à base de tequila infusée au Jalapeños ? Une seule. Il faut reprendre la voiture.

À Indio, dix minutes de route à peine, l’atmosphère se veut plus bohème. Avec dans l’œil, le reflet d’un décorum à la No Country for Old Men, dont l’intrigue se déroule pourtant au Texas. Au Yellow Mart (82740 Miles Ave), les vendeuses vous accueillent avec un sourire étoilé. Vous trouverez de tout : Stetsons, santiags, jeans bruts, cannes à pêche et fusils mitrailleurs. Passé les murs aux fresques bigarrées sur la naissance de la ville, c’est là que le jeune Marcel Ramirez, un natif de Palm Springs, a installé sa deuxième échoppe.

Marcel Ramirez, crêperie chez Gabino’s

Bienvenue chez Gabino’s, crêperie artisanale et épurée, garantie circuit court : « Indio, c’est la zone la plus dense de la Vallée de Coachella, raconte-t-il, sous sa casquette de baseball. Mais lorsque nous nous sommes installés, il y a moins d’un an, il n’y avait rien. Peu de boutiques, pas d’art, pas de théâtre. Un peu une ville fantôme. Très sèche. Et puis, d’un coup, tout est allé très vite. » Le témoignage probant d’une réhabilitation en mouvement.

Figures locales

Il a toujours fait bon vivre à Palm Springs. Y compris au début du 19e siècle où la région était déjà célébrée pour ses sources chaudes. Au fil des décennies, elle s’est imposée comme un havre ultime pour le gotha du show-business voulant profiter d’un repos bien mérité après une carrière prolifique. Parmi de chers disparus célèbres, le nécrologue amateur pourra reconnaître les noms de John Schlesinger (réalisateur de Marathon Man), Liberace (pianiste iconique), Darryl F. Zanuck (nabab de la 20th Century Fox), Howard Hawks (l’autre grand metteur en scène de John Wayne, Rio Bravo, Rio Lobo, etc.)… Tous ont cassé leur pipe ici. Frank Sinatra y faisait bombance (sa villa, Twin Palms, 1148 East Alejo Rd, est classée au Registre National des Sites Historiques). Elvis y a passé sa lune de miel dans une maison (1350 Ladera Cir) aux allures de vaisseau spatial. Mais la région reste tout sauf éteinte, pétrie de souvenirs vermoulus, d’une immanquable nostalgie à perler au coin de l’œil.

Le musée d’art, de design et d’architecture (PSAM) par Stewart Williams, qui a grandement contribué à l’architecture locale (Résidence Sinatra entre autre).

En 2014, Leonardo DiCaprio achète une villa (432 Hermosa) dessinée par l’architecte Donald Wexler dans le quartier d’Old Las Palmas, le « Petit Hollywood » local. Lorsque la star part aux quatre vents, elle se loue autour de 3700$ la nuit. Les Kardashian, Kanye West, se sont eux aussi acclimatés à la « modernité du désert » qu’entourent si majestueusement les montagnes de San Jacinto. Nombreux sont celles et ceux, hommes et femmes d’affaires, gens du cinéma, designers, stylistes, journalistes à succès, à faire la route ponctuellement pour aller travailler à Los Angeles. Ici aussi le télétravail fait des heureux. Tandis que la Côte Ouest croule sous les effets de politiques aventureuses, Palm Springs et ses sœurs ne cessent de redorer leur blason sous un soleil incandescent. Il suffit de voir une nouvelle génération prendre des couleurs, vives souvent, après une baignade au Colony Club (572 N. Indian Canyon Dr), ce bijou d’hôtel Art Déco.

Le Palm Springs Vistor Center du célèbre architecte Albert Frey était à l’origine, une station essence.

Les formes architecturales font echo à l’angularité des montagnes adjacentes.

Entre les jardins pomponnés et les galeries marchandes à taille humaine, les résidences de stars et les colonies pour retraités, sans oublier de charmants musées, son Farmer’s Market, sa champignonnière (77917 Wildcat Dr, Palm Desert) fraîchement installée… C’est un petit paradis qui s’étend ici. Dans ce style fameux classé Mid-Century.

Conçue en 1963 par Charles Du Bois, cette résidence est un autre joyau mid-century du patrimoine de Palm Springs.

CARNET DE ROUTE
En savoir plus ? www.visitgreaterpalmsprings.com
Se loger ? www.tommybahamamiramonte.com
The Colony Palms : www.colonypalmshotel.com
Porta Via Palm Desert : www.portaviarestaurants.com
Gabino’s : www.gabinoscreprerieast.com
Comment y aller ?
Norse Atlantic Airways : tarifs accessibles sur les vols long-courriers, principalement entre l’Europe et les États-Unis. La compagnie, qui dispose d’une flotte de 15 Boeing 787 Dreamliners modernes, opère au départ de Paris depuis mars 2023 un vol quotidien vers New-York-JFK et, depuis mai 2024, un vol jusqu’à 4 fois par semaine vers Los Angeles-LAX. Idéal pour découvrir la Côte Ouest américaine. Informations et réservation sur www.flynorse.com