
Au pied d’un château XIIème siècle, la table étoilée Le Clair de la Plume nous parle, des trésors provençaux allant de la délicate huile d’olives AOP de Nyons, aux fascinantes truffières voisines du Domaine de Cordis jusqu’aux textes flamboyants de Madame de Sévigné. Trois chefs incarnent ici ce sens de la générosité propre à cette terre d’hospitalité. Nous les avons rencontrés à Grignan le temps d’une nuitée sur place. Tout un poème !
Cédric Perret (expert es partition sucrée qui a servi 11 ans au Château des Avenières en Haute-Savoie), Benjamin Reilhes (passé par le Pressoir d’Argent à Bordeaux, le Lausanne Palace, les frère Ibarboure à Bidart, Arnaud Donckele) et le parrain-mentor Glenn Viel (cosignataire-star opérant à la tête du 3 étoiles de l’Oustau de Baumanière). Voici les trois chefs inséparables qui portent, au numéro 2 de la place du Mail, toute la douceur de vivre du Vieux Grignan en défendant une approche de « simpléxité » : une cuisine authentique, avec partition végétale, « facile à manger et où l’on sait ce que l’on mange« . Face à l’un des plus beaux lavoirs de Provence, cet établissement étoilé au Guide Rouge et couronné aussi d’une étoile verte, cultive une âme singulière, un peu hors du temps, portée par les secrets et mystères du Pays de la truffe noire. La clé Michelin acquise récemment confirme que les choses vont plutôt dans le bon sens pour le propriétaire passionné Jean-Luc Valadeau qui mise sur le « charme » et le sens de la convivialité sans arrogance ni posture. Réparties sur six sites (La Ferme Chapouton, la demeure principale, la maison privée, la boutique, le café des Vignerons, le jardin biologique) cette adresse invite à la flânerie avec son jardin méditerranéen aux fleurs odorantes, qui souligne l’approche durable et locavore que les trois chefs veulent donner à leur carte.
Dans l’assiette, c’est toute l’authenticité du produit qui rayonne loin du bruit du monde. Quelques plats ont ici gagné leurs lettres de noblesse : le céléri-truffe, la ravissante carotte dite « restons aimables», le surprenant entremet au citron et huile d’olive ou encore l’exquis dessert fraise-rhubarbe. Sur la partie sommellerie, les amateurs de belles cuvées viennent régulièrement déguster la centaine de références de l’appellation Grignan-les-Adhémar dont le terroir s’étend au sud de Montélimar sur les garrigues et les contreforts du Tricastin. Autour de nous, les villages perchés de Montrun-les Bains, de Poët-Laval et de Nyons, nous rappellent toute la beauté de la Dôme Provençale. On est sur un territoire qui fait de la Tanche (espèce unique d’olive, protégée du label AOP), une religion. On débutera notre séjour avec le cavage de la truffe sur le superbe Domaine de Cordis. Avec 60% de la production nationale, la région, nous dit-on, est la première productrice de truffes en France. Cette parenthèse « immersion dans le terroir » sera forte utile quand on se lancera, à l’heure du dîner, dans le tant attendu menu en huit services pensé comme un voyage en huit escales. L’«apéritif time» avec l’élégant Champagne Collet nous permet d’échanger avec les équipes en cuisine et en salle aussi avenantes que sympathiques. Les festivités prennent aussitôt belle tournure.
Les trésors du terroir.
On découvre le célèbre plat du « Homard/Mayo » avec un ravissement tout particulier car l’assiette explose de fraîcheur au regard comme dans le palais. Sur le second chapitre du «Céleri très truffe» on sent que le chef s’est fait plaisir en convoquant les plus beaux trésors du terroir. C’est admirable d’élégance et de générosité. Un instant qui fait penser à une douce embrassade. Le service ici, sans chichi, nous enveloppe de joie. Quand arrive le plat suivant du « Rouget grassouillet » on sait que l’humour, placé dans l’intitulé, n’aura d’égal que les saveurs en bouche. La cuisson du poisson et du foie gras sont justes et laissent apparaître une grande précision dans l’exécution. La vie bat son plein du coté des fourneaux. L’émotion décuple encore avec la venue du très convoité «Champignon pressé» qui nous comble de sa tendresse et de ses parfums réconfortants de sous-bois. Autre moment jubilatoire, le « Bœuf à la Française » qui a ici comme l’allure du plat signature servi avec tact et sourire. Coté sommellerie, le maître d’hôtel Maxime Point assure le parfait accord avec quelques belles références : la plaisante cuvée Maranges Les 8 Ouvrées de chez Quentin Jeannot, le superbe Saint-Joseph Agricolis (en blanc) de la Famille Garon, le subtil Pouilly-sur-Loire Les Marnes du Domaine Fournier Père&Fils.
Les papilles frémissent dès la première bouchée qui se présente comme une promesse d’une magnifique envolée gustative. Sous son nom mystérieux plein de malices, les deux compositions qui suivent, « Perrette » et « Pschitt » (pré dessert-clin d’oeil à l’hydromel) résument à elles-seules la malice et l’atmosphère de folie douce qui règne au Clair de la Plume, repère de bons vivants qui ne se prennent jamais au sérieux. Dans le verre, deux beaux nectars flattent agréablement le palais : du coté des Terrasses du Larzac, Les Combarels 2022 de la Maison Cassagne et Vitailles, suivi du merveilleux Chateauneuf-du-Pape du Domaine la Barroche.Le temps du dessert trouve son apogée avec la poésie et la grâce de « L’orangerie » qui place le fruit à son zénith avant que « La Truffe à la Belle Hélène » marque la sublime surprise. En quittant les lieux, après une confortable nuitée au sein de ce restaurant-hôtel à l’âme si particulière, on repense autant à nos échanges autour de la truffe dans le vaste domaine trufficole balayé par le Mistral, de Didier et Carole Chabert, qu’à ce passionnant atelier autour de l’olive qui furent le fil d’Ariane conduisant à ce diner d’exception à Grignan : ce petit village aux couleurs de la Provence entourés de ces grands espaces boisés d’où émergent, au sud et à l’est, les sommets des Préalpes du sud avec le Mont-Ventoux, les dentelles de Montmirail, la montagne de la Lance et à l’ouest, au-delà de la vallée du Rhône, les monts de l’Ardèche. Un paysage nourricier à la beauté tellurique et une terre de saveurs que les trois chefs du Clair de la Plume ont eu la bonté de nous faire entrevoir le temps d’un diner aussi sincère que grandiose ! www.clairplume.com

Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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