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Aliocha Schneider : « Avec la musique, nous sommes frappés par une émotion sans qu’il y ait forcément une idée derrière. »

Sous un grand soleil aux Francofolies, Aliocha Schneider nous a impressionnés par son charisme discret et son talent pluriel. Acteur et musicien, il transcende les frontières entre le cinéma et la musique, captivant un public de plus en plus large. À seulement 30 ans, il s’impose déjà comme une figure incontournable de la scène artistique francophone.

Bienvenue aux Francos ! Comment te sens-tu ?  Je suis en pleine forme ! Il fait un temps magnifique, il y a une super énergie dans l’air. On enchaine les concerts à un rythme effréné depuis janvier. On a joué à la Cigale à Paris, et beaucoup voyagé. Là on entre dans la période des festivals et c’est encore autre chose, que je découvre, car c’est ma première vraie tournée de festivals.

Qu’est ce qui change d’une tournée de concerts classique ? Déjà, c’est plein de gens qui n’ont pas payé un billet pour venir me voir mais qui sont là aussi pour découvrir de nouveaux artistes. On rencontre un public tout neuf. On échange avec des artistes qu’on ne connaissait pas. On voit des concerts. Concernant notre prestation, on ne livre pas tout à fait la même chose non plus. Les gens ont besoin de danser. C’est intéressant, il faut s’adapter, j’apprécie.

Comment fais-tu pour faire danser les gens, en proposant une musique aussi mélancolique ? Il y a de la mélancolie dans mes textes, mais pas seulement, car musicalement j’ai choisi de proposer des choses solaires et dansantes plutôt que du « triste sur des violons. » Au festival, ça se passe bien, puis on se permet aussi d’arranger les morceaux pour que ça « groove ».

Ta source d’inspiration principale, Barbara, est, pour le coup 100% mélancolique. Mais tu t’es surtout initié avec la musique étrangère ? Peux-tu nous parler de tes vieilles amours musicales ? J’ai grandi avec Simon & Garfunkel, Bob Dylan, Elliott Smith, à savoir la folk américaine. Je suis vraiment tombé amoureux de ce style avec Jack Johnson, découvert à la télévision et à la radio. Ensuite j’ai croisé le chemin de la folk des 60’s et ça, ça a été un coup de cœur. J’essaie de ne pas faire que ça aujourd’hui. Je m’inspire de la soul, des musiques brésiliennes…

ALIOCHA SCHNEIDER, PHOTO © WILLIAM ARCAND

Parlons un peu de ta venue ici. Tu es là pour défendre ton dernier album, le troisième. En français et éponyme. Pourquoi ce choix d’un album éponyme ? Est-ce pour insister sur la profondeur de l’intime, sur l’introspection ? En effet c’est mon troisième disque mais étant donné que c’est le premier en français, il s’en dégage un sentiment de premier album. Mes premiers disques s’appelaient Aliocha, j’avais enlevé le Schneider, mais là j’ai décidé de le rajouter. Comme si c’était un nouveau projet (sans pour autant renier mes albums précédents.) Il y a réellement un goût de nouveau départ.

Pourquoi avoir écrit celui-ci en français ? Parce que c’est ma langue maternelle et que j’ai toujours eu ce désir d’écrire en français. Seulement, je n’arrivais à faire fonctionner le français avec mon style. C’est comme s’il y avait des codes, des sonorités spécifiques… même en anglais, il faut d’abord être armé avec la langue. Savoir la chanter. En français, il m’a fallu tout réapprendre. J’ai mis énormément de temps. Les premières chansons ont été difficiles à écrire mais c’est devenu de plus en plus facile et aujourd’hui c’est un exercice plus naturel pour moi.

Et quel a été le moment où tu t’es dit « Ça y est je suis capable d’écrire en français » ? J’ai sorti mon deuxième album en plein confinement et toute ma tournée a été annulée, donc pour faire vivre le disque, j’ai décidé de traduire une de mes chansons en français. C’est une chanson qui s’appelle Forget My Blues et qui est devenue C’est tout, c’est rien en français. On a fait d’autres arrangements, j’ai fait appel à un nouvel arrangeur qui a fini par s’occuper des arrangements de l’album suivant. Cette chanson en français est née. J’étais content du résultat, il y avait quelque chose de plus authentique, et le public l’a bien reçu, aussi. Là je me suis dit : le prochain album sera en français.

Le français casse une barrière avec le public et cela doit être compliqué d’un point de vue sentimental. Comme si avec l’anglais, il était plus facile de se cacher ? Bien-sûr et ce qui me plait avec l’anglais, c’est qu’on écoute la musique en premier, puis aux prochaines écoutes, une profondeur s’en dégage. Ce que je trouve fascinant avec la musique, c’est que nous sommes frappés par une émotion sans qu’il y ait forcément une idée derrière. Je trouve que parfois l’anglais permet de pas trop gâcher ça, parce que nous ne sommes pas obligés d’écouter le texte.

Parlons un peu de ta « double vie » entre le cinéma et la musique. Comment fais-tu pour gérer ce planning ? J’ai cru comprendre que tu mêlais parfois les deux étant donné que ton dernier album serait né pendant un tournage avec Cédric Klapish (Salade grecque) ? Oui j’ai commencé à écrire des débuts de chansons sur le tournage. Aussi, j’essaie d’écrire un peu tout le temps. Par ailleurs, j’ai été obligé de marquer une pause dans le cinéma cette année, parce qu’on a tellement tourné avec l’album que ça aurait été impossible de faire un film. L’année prochaine je vais probablement reprendre le cinéma. C’est chouette de pouvoir passer de l’un à l’autre, ça permet de prendre du recul aussi, de ne pas se consacrer à une seule tache.

Ce sont des arts différents, mais qui se ressemblent. L’un influence-t-il l’autre dans ton art ? Oui ce sont deux métiers différents mais ils se rejoignent notamment dans l’interprétation, sur le fait de m’exprimer sur scène, car j’adore interagir avec le public.

En dehors du fait que sur scène tu crées ton « show » alors qu’au cinéma tu suis les directives d’un réalisateur. C’est ça qui est totalement différent. Sur mon projet, je travaille pour moi. Alors qu’en tant que comédien, je me fonds dans l’univers d’un réalisateur et je défends le texte de quelqu’un d’autre. Peut-être que si je n’écrivais pas mes chansons, là ce serait plus proche.

La satisfaction est-elle décuplée quand tu mènes un projet de A à Z, à la différence du cinéma où tu es guidé ? Pour sûr, mais je ne peux pas remercier que moi, car il y a toute une équipe à mes côtés et ça reste malgré tout un projet collectif. En revanche ce qui est satisfaisant c’est le non aboutissement qui va avec. C’est un projet qui se poursuit toujours et toujours. Sur une vie. Au cinéma, tout est à recommencer à chaque fois.

ALIOCHA SCHNEIDER, PHOTO © WILLIAM ARCAND

Comment as-tu trouvé le temps de rédiger des débuts de textes pendant ce fameux tournage en Grèce avec Cédric Klapish ? C’est vrai que je manquais de temps mais le plus long, c’est de finaliser une chanson, quand je peux mettre dix minutes à trouver un début de chanson. Tu prends la guitare, tu grattes. De toute façon pour moi la musique – c’est d’ailleurs comme ça que j’ai commencé –  c’est d’abord une façon de décompresser, de canaliser des choses que je vis. Après une longue journée de tournage, quand je prends la guitare, je ne me mets pas au travail. C’est une façon de me recentrer et parfois naissent des ébauches. À la fin de ce tournage je suis parti à Montréal pour travailler avec Marc-André Gilbert qui a fait les arrangements de l’album et co-écrit la plupart des morceaux. J’ai juste eu à rouvrir le dictaphone et à faire le tri. On a terminé ces morceaux.

Le fait d’être en Grèce t’a inspiré ? Bien-sûr, ainsi que ce que vivait mon personnage. Quand on incarne un personnage, on est obligé d’aller chercher des choses en nous et on peut utiliser cette matière pour écrire des chansons.

Y’a-t-il un autre art que tu exerces ou que tu aimerais exercer ? J’adore la photographie. Mais ça restera toujours amateur.

Pourquoi ne pas faire un jour ta pochette d’album ? C’est vrai que serait bien. Après tout, j’ai bien fait celle de Charlotte Cardin !

Oui, avec qui tu partages ta vie justement ? On n’est pas là pour parler de ta vie privée mais ce qui m’intéressait, c’est ce dont tu parles dans tes textes : le manque, la distance. Ces sentiments sont-ils amplifiés lorsqu’on est deux artistes fréquemment en tournée mondiale ? Comment fait-on pour vivre avec ce manque ? Est-ce qu’on finit par s’y accommoder ? Je me dis que n’importe quel chanteur doit vivre ça, même si deux chanteurs se croisent encore moins. D’un autre côté, ce serait dramatique si l’un restait dans le canapé pendant que l’autre est en tournée. Je ne pense pas que ce serait plus sain.

Quels sont tes projets à venir (cinéma, musique) ? J’ai des films qui vont sortir, notamment une adaptation de Bonjour Tristesse, que j’ai tourné l’année dernière. Sinon, ma tournée musicale se poursuit jusqu’en avril, et on finit avec la Salle Pleyel à Paris.

Tu écris un peu en ce moment ? Oui, je recommence tout doucement à écrire.

Où rêverais-tu de te produire ? C’est difficile à dire car pendant longtemps j’ai répondu « l’Olympia » mais là, ça va se faire.

C’est sûr que quand on réalise ses rêves, ça se complique ! Y’a-t-il des duos que tu aimerais faire ? J’aimerais beaucoup chanter avec Olivia Dean.

… Que tu as aimé faire ? Je n’en ai pas vraiment fait, à l’exception de Waxx et Charlotte Cardin et c’était chouette. Dès qu’on peut, on essaie de partager la scène avec Charlotte, ce sont de beaux moments.

 

Album : Aliocha Schneider (2023) disponible à la vente et sur toutes les plateformes de streaming. Artiste actuellement en tournée.