Aux côtés de son associé Shawn Joyeux, ce chef à la signature inventive a fait la démonstration de son immense talent et de son sens de l’improvisation à l’Agapé. Dans ce nouveau chapitre de la rive gauche, où le décor est dans l’assiette, la part belle est donnée aux produits de saison sous de subtiles échos nippons. Le mot d’ordre de cette table d’exception ? De la simplicité naît l’émotion et la sophistication extrême. EDGAR a goûté sa carte !
« Ma cuisine n’est pas un musée… » explique régulièrement Toshi qui sait aussi envisager une forme de lâcher-prise dans ses éclairs créatifs aux fourneaux. Le chef a fait, il faut le rappeler, son initiation à la cuisine française aux côtés de Joël Robuchon, Alain Passard, Philippe Legendre, Eric Briffard. Il entre ensuite à l’Agapé où il restera deux ans. A l’Arpège, il a découvert la cuisine à la minute et le travail selon les saisons. De son passage au George V, il a retenu les règles de la gastronomie française classique. Et avec David Toutain, il a pu pratiquer ce qui l’inspire le plus : la cuisine d’instinct et le travail des textures avec des produits de saison, des cuissons parfaites et de justes assaisonnements. L’esbroufe et l’artificiel ne font pas partie de son vocabulaire.
En effet, la cuisine de Toshi est précise, tout en finesse et sans fioritures inutiles : « Mes assiettes sont simples, pures, ma cuisine est directe. ». Éliminer le superflu et aller à l’essentiel, tel est son crédo. De ces chefs multi étoilés, il a appris le secret des jus et des consommés profonds, la force des légumes et l’art subtil de la rôtisserie. Cet apprentissage de la haute gastronomie française lui permet d’en maîtriser les subtilités. Il peut ainsi s’en affranchir dans cette nouvelle aventure où l’ingrédient phare est l’oignon et où l’associé Shawn Joyeux s’occupe de la sélection pointue des vins tandis que la talentueuse Morgane Raimbaud illumine la carte des pâtisseries. Autant de personnalités qui nous rappelle que Alliance c’est avant tout une complicité aussi percutante qu’évidente entre Toshitaka Omiya, chef japonais originaire d’Osaka, et Shawn Joyeux, directeur de salle, vrai parisien passé par tous les registres de la restauration.
L’expérience inoubliable de la poulette de Racan contisée au corail de homard.
Ici on pratique le « zéro gaspillage » car le chef sait donner au moindre ingrédient sa plus belle expression, dans des déclinaisons travaillées, et sans jamais rien jeter. L’ouverture de la dégustation se fait ici sur l’association réjouissante de navet, d’oseille et de noix de cajou, suivi d’un savoureux foie gras de canard au torchon faisant chanter en bouche le légume d’un pot au feu, la carotte, le céleri, la blette et le gingembre. Premier plat incontournable de la carte, les divins gnocchi au caviar osciètre et sauce crémeuse trouvent un élégant prolongement dans le magistral turbot sauvage à l’asperge blanche et couteaux marinières, avant de faire l’expérience inoubliable de la poulette de Racan contisée au corail de homard en deux services. On progresse ensuite dans une harmonie de saveurs où le bouillon cuisse et pince s’épanouie joyeusement dans les notes de suprême, de chou et de tempura.
L’inspiration épicurienne de cette très belle adresse (qui a reçu sa première étoile sans perdre un instant juste un an après son ouverture et récompensé de 3 toques (16/20) au Gault & Millau) trouve sa plus belle expression dans une rhubarbe huile d’olive et son bouleversant chocolat de Madagascar, noix de Pécan, sirop d’érable, poivre Voatsiperifery. On salue les associations surprenantes mais toujours justes et des dressages à l’esthétiques ciselées. Enfin, la partition, dans son lexique d’orfèvre, est aussi fine que soignée. On s’y régale !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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