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Andréas Mavrommatis, helléniquement juste

Savamment étudiées, les assiettes de ce chef témoignent d’une constance et d’une précision qui ont séduit le guide rouge. Un restaurant gastronomique, doté d’une vraie aura et d’une l’histoire digne d’une saga garantissant le voyage  !

Loin de se résumer à une cuisine gréco-chypriote de haute volée ou à une belle référence méditerranéenne au coeur de Paris, cette adresse gastronomique de la rue Daubenton tutoie l’excellence et nous rappelle que le mot gastronomie, plusieurs fois millénaire est d’origine grecque. Sous les voûtes sculpturales de cet espace tamisé, dont le service se fait en soirée au diner, le savoir-faire de la cuisine française se glisse, au fil des saisons, dans le lumineux ballet des plus beaux produits de Grèce. On est loin de la petite épicerie-traiteur lancée en 1981  qui constitue les prémices d’une success story. A notre arrivée, le directeur de salle Axel Nail, fraîchement nommé il y a quatre mois, nous accueille avec une chaleur courtoise. On a hâte de vivre l’accord mets&vins du seul restaurant grec étoilé d’Europe. Le parcours du chef est élogieux : 1966 inscription à l’école de Le Nôtre, puis Frédéric Vardon (ancien de chez Alain Ducasse). Viendront par la suite, William Ledeuil, puis Christophe Bacquié. Sans oublier Gabriel Biscay, son mentor, qui lui transmettra l’art subtil des techniques précises des cuissons pour optimiser la qualité des produits. Les magnifier en les respectant.

On sait que Andréas Mavrommatis adore travailler les légumes et les racines, dans la quête de nouvelles saveurs et accords. Son livre aux éditions Ducasse raconte son travail autour du « goût grec » mais aussi la patience, le travail, l’évolution de la carte portée par la rigueur et la régularité de la cuisine. Tout réside là. Notre dégustation, dans cette atmosphère feutrée se déroulera en sept temps au rythme du menu Signature. Nous invitant à la joie de vivre, la magnifique Saint-Jacques se présente en carpaccio, boutargue de Messalonghi, palourde, houmous de cornilles. La sommelière Eleni Psalida nous suggère un fabuleux vin de Santorin aux arômes d’agrumes qui nous fait voir des coteaux désertiques et des vignes façonnées en corbeille. C’est bien engagé. La curiosité et la gourmandise prennent le pas sur la raison avec l’arrivée de la ravissante langoustine travaillée en Kadaïf, coque, tzatziki, caviar osciètre grec, livèche. Les papilles chavirent d’émotion.

L’imagerie est à l’oeuvre.

Le second vin, issu de vignes francs de pieds et assemblage de quatre cépages autochtones, livrent ses notes légèrement oxydées et ses arômes de cire, gingembre et fruits jaunes confits. On est en dessous de Corfou. L’imagerie est à l’oeuvre. L’assiette suivante, tout aussi colorée, annonce le débarquement triomphant des champignons sauvages et artichauts soignés en raviole végétale, Halloumi AOP grillé, consommé de champignons sauvages. Le chef à l’oeil sur tout, c’est superbe comme paysage de saison. L’accord se fait avec un merveilleux vin non filtré des Cyclades dégageant ses notes de citronnelle, poire et beurre. On décèle un caractère un peu fumé et des réminiscences de pain frais. Dans l’assiette, on a aucune trahison des saveurs d’origine. On monte encore d’un cran avec le Saint-Pierre rôti, panais coquillages, céleri, criste marine, jus d’oignons au kéfir. On note, à ce stade, une parfaite maîtrise des techniques d’assaisonnement avec des saveurs percutantes ne laissant aucune papille dans un coin. Sur la partition sommelière, on file dans le Péloponnèse, près de Patras, dans l’un des plus vieux domaines de Grèce.

Restée 24 mois en barriques, cette sublime cuvée 2012 nous exalte avec ses notes mentholées, ses parfums de violette et de mûres. On savoure sur l’arrière du palais, en deuxième bouche, le café, les épices et une acidité très équilibrée. Quand le plébiscité agneau de Lozère arrive sur la table, les visages s’illuminent de nouveau. L’oeil se fait alors explorateur et répertorie : épaule confite, selle rôtie au Halloumi AOP, dolmates de blette, condiment aux olives de Volos. La sommelière mise sur un vin venu de l’île ionienne de Céphalonie. Les influences italiennes, la fermentation inox, les notes très fumées de nectar marqué par des arômes de citron, nous font tomber en adoration pour ces compositions et accords presque symphoniques. C’est comme si l’on avait tous les terroirs et les climats dans cet enchanteur vignoble grec. On sera interpellés de nouveau par le répertoire sucré de la séquence Agrumes qui se manifeste en pâte phyllo, bavaroise fleur d’oranger, orange sanguine et bergamote. La tablée est heureuse, le chef excelle. On fermera le banc avec la divine Poire rôtie au miel de Crète, ravani à la poire, chocolat Manjari à la Commandaria, glaces au épices. Un vin de paille chypriote, ayant joué des coudes pour s’épanouir et dont les raisins ont séché des jours durant sous la soleil ardent, accompagne ce moment de tendresse sur l’extrémité des agapes. Le convive est alors simplement frappé par la grâce ! www.mavromnatis.com