Ce chef a ouvert, en mai dernier, Rosette sur le modèle d’un bistrot aux airs de bouchon lyonnais. Ce nouveau lieu de la scène gastronomique clichoise, vit au gré des arrivages des amis producteurs. Magnifique !
On se bat, depuis son ouverture, pour avoir une place dans cette salle animée de 35 couverts (dont quelques places au comptoir) offrant un service le midi et un autre le soir. Car l’adresse, affichant presque toujours complet, offre une expérience culinaire de très bon crû et cela se sait. Les fins gourmet du 17ème arrondissement voisin franchissent allègrement le périphérique pour vivre ce moment de plaisir aux cotés d’Arthur (passé par Lasserre, Le Meurice, Substance…) et de sa compagne Camille Aldon (épaulée de Solange) en charge de la sommellerie. Cette dernière a fait ses armes au Meurice, au Mandarin Oriental, L’envie du Jour et au Saint-Sébastien. Sa carte des vins affiche 650 références, c’est dire… Le couple a gagné sa côte de popularité en s’adressant aux coeurs des amateurs de bistrots pointus à la carte « canaille » et « retour du marché ». A notre arrivée, l’ambiance bat déjà son plein. On veut explorer Rosette, référencée au Michelin, sous toutes ses coutures, pour en extraire l’essence. Camille nous réserve le plus beau des accueils et l’on ne rechigne pas à lui faire confiance.
On zappe la rosette de Lyon à grignoter cette fois-ci et optons plutôt pour le célèbre pâté croûte, tout cochon, moutarde à l’ancienne à partager pour ouvrir le bal. C’est divin et l’on apprend que cette entrée change chaque semaine sous une nouvelle variation. Brillant. Un subtil champagne Métisse Les Riceys, à l’architecture pinot noir et pinot meunier, aux notes légèrement oxydatives sur la finale nous comble. Toujours sur les entrées, on nous suggère les ravissantes Saint-Jacques snackées, céleri, condiment aux herbes. On a la mâche généreuse de la Saint-Jacques rôtie et la mâche réconfortante du céleri. Tout fonctionne merveilleusement bien. On savoure, sur cela, un 100% macabeu en biodynamie, ce cépage autochtone du Languedoc-Roussillon qui nous livre ses beaux amers. Une seconde entrée, sur la haut de la carte, nous interpèle. On tente donc les salsifis, noisettes et jus de vanille. Ce plat misant sur la pureté du produit célèbre ce légume oublié juste rôti ici. Quel enchantement !
La fidélité de la maison à ses fournisseurs.
Dans la foulée, deux chef-d’oeuvre se présentent à nous. D’une part, la « recommandation » du chef : l’irrésistible homard entier rôti, choux vert, champignons et truffe. C’est exceptionnel de générosité (42 euros, cela n’existe qu’ici) et exprime toute la fidélité de la maison à ses fournisseurs, en l’occurence Mickael Villot. On adore la personnalité terreuse du plat dans son élégante tombée de choux et la mâche du « manger ». Au niveau du vin, ce sera un nectar de Savoie, 24 mois d’élevage sur jacquère. On a le coté limpide en bouche et ce goût de barrique sous une jolie trame due au terroir. Sur notre lancée, quelque chose nous dit qu’on l’on doit nécessairement prêter attention au risotto, légumes, gnocchis, champignons, jus. L’intuition fut bonne. Cette option végétarienne « pour tous » réconforte avec son crémé et ses petits légumes de saison. Camille dégaine le détonnant Loustic d’Emmanuel Haget avec sa trame épicée, acidulée fraise sous pineau d’aunis de la Loire et Cabernet Franc. On en redemande, surtout que le vin au verre se fait au magnum.
Un détail qui a vraiment toute son importance pour les connaisseurs. Précédant le dessert, l’escale des fromages est ici proposée sous sa délicate assiette de trois fromages affinés et le miel des forêts du Haut du Pyla de Camille Branchu. C’est un vrai moment de poésie. On trépigne presque quand se profile sur notre table l’admirable gâteau au chocolat de Rosette qui dévoile le coté assumé « comme chez grand-mère » de cette adresse au grand cœur. On pioche dans l’angélique cassolette en cuivre et on oublie tout. Il serait sacrilège de ne pas mentionner la tarte tatin , crème crue (retour du marché) qui tient aussi largement la vedette. Le coup de cuillère conduit à la béatitude. En quittant cette adresse formidable, on se dit que Rosette a comblé non seulement un besoin urgent de belle gastronomie à Clichy mais qu’elle a aussi tout compris : seul le bon et le beau, né de la belle odeur en cuisine est en mesure de changer le monde de manière authentique et durable ! Ouvert du lundi au vendredi. www.rosette-restaurant.fr
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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