Restant indépendante et familiale, tout en demeurant l’une des plus célèbres de l’Hexagone, cette maison de champagne a fait appel à l’architecte d’intérieur et décorateur franco-américain Elliott Barnes ainsi qu’à l’architecte Vincent Fierfort pour concevoir le centre de visite et d’accueil sur son site historique. Une vraie réussite. Visite !
Pour satisfaire sa clientèle d’élite, la Maison de champagne Billecart-Salmon, fondée en 1818 à Mareuil-sur-Aÿ n’avait d’autres choix que de trouver l’architecte en mesure de comprendre parfaitement ses besoins et de travailler avec les contraintes de son site historique pour créer un espace multidimensionnel ancré dans le terroir et reflétant tout son héritage. A notre arrivée sur place, nous sommes happés, d’emblée, par la galerie principale donnant accès au Salon Louis, en honneur à Louis Salmon. Rythmé par une série de pilastres dessinés spécialement par Elliott Barnes et des panneaux en tissu tendu, la pièce est surplombée par une verrière opaline. Une œuvre de l’artiste Caroline Brun évoquant la matière du terroir accompagne un portrait historique du même Louis Salmon. Tout en élégance, l’intervention joue la carte de la sobriété et du chic. C’est impeccable.
On prolonge notre excitante découverte au sein de la ravissante galerie ponctuée par une porte en verre gravé dont le dessin fait référence à deux aspects du vin : les grappes et les bulles. L’espace reprenant la forme des caves voutées est composé de murs en chaux avec des incrustations de chanvre (référence aux premiers muselets du 18ème siècle). Au fil de la progression, une exposition de photos relate la riche histoire de la famille et la nature de leurs terroirs. Extrêmement lumineux, cet espace, flatte plaisamment notre rétine qui rebondit sur chaque détail évoquant la pasionnannte histoire de l’illustre maison de champagne. C’est dense sans être jamais étouffant. Quelques pas plus loin, c’est un autre univers qui séduit le regard, lorsque l’on accède au Salon de Dégustation Professionnelle. Le sacro-saint. Ovale, tout comme certaines étiquettes des bouteilles millésimées, cette pièce puise sa lumière naturelle grâce à une verrière qui reprend sa forme. Au centre, une table aux mêmes arrondis (dont le plateau est réalisé à partir de coupes à Champagne recyclées par Glaskeramik) repose sur un piétement en bronze vieilli.
Les murs en chêne naturel strié représentent une abstraction des parcelles de la maison vue depuis le ciel et constituent ainsi un clin d’œil discret à Charles Roland-Billecart, aviateur et ancien directeur de la Maison. Au gré de la déambulation, on nous glisse dans l’oreille que c’est dans l’intimité de ses vignes et de ses caves que la Maison Billecart-Salmon a amorcé, ces dernières années, un changement significatif. Sur l’aspect « sommelerie » et cuvées défendues cette année sur l’actualité, on nous que le Comité de Dégustation engage depuis 2019 un travail de fond sur le Brut Réserve et qu’aujourd’hui « la base 2020 » présentée offre davantage de profondeur et de finesse au vin. On jubile. A ce titre, certains principes ont rapidement été appliqués à toute la gamme non-millésimée. Et pour refléter cette transformation, les cuvées ont vu leur nom modifié avec la suppression du terme « Brut » des étiquettes. Quant à la partie « généalogie », on nous informe que c’est aujourd’hui la 7e génération qui est à la tête de la Maison, représentée par Mathieu Roland-Billecart, épaulé par Antoine Roland-Billecart, directeur adjoint en charge de l’export et sous l’œil bienveillant de Jean et François Roland-Billecart.
Un havre de biodiversité.
Au cœur de ce domaine d’exception, on observe ce véritable reflet de l’art de vivre « à la française » constitutif de ce domaine familial. Attenant au domaine, se dresse le Clos Saint-Hilaire, vignoble d’un hectare de Pinot Noir, baptisé au nom du Saint patron du village de Mareuil-sur-Aÿ. En 2023, cette parcelle historique est métamorphosée en havre debiodiversité, témoignant de ses engagements en matière de développement durable. Depuis les années 1990, la Maison a réintroduit la vinification sous bois. Elle vinifie actuellement dans 400 fûts bourguignons âgés de 15 ans en moyenne et 26 foudres de 80HL. Cachées à l’abri des regards, les caves de craie, datant du XVIIe et du XIXe siècle, s’étendent sur 2,5 km où règnent un silence et une sérénité aptes à dévoiler, toute en finesse, la personnalité du raisin. Il est temps désormais de poursuivre notre visite avec la découverte du Salon des Fondateurs Elisabeth Salmon et Nicolas François Billecart, faisant immédiatement face à une immense paroi vitrée donnant accès à un jardin terrassé. Nous jetterons, dans la foulée, un œil au Club Saint-Hilaire. Le point névralgique des lieux : à la fois salon et salle à manger, ce lieu offre une projection dans le jardin grâce à sa position architecturale avancée sur celui-ci. Pour illustrer la singularité de ce moment, Elliott Barnes a créé un revêtement mural inspiré de la parcelle Clos Saint-Hilaire. Il a ainsi élaboré un “Winepaper” Billecart-Salmon – Cuvée Le Clos Saint-Hilaire – 2022, selon un procédé unique, résultat d’une recherche approfondie. Le matériau marie le chanvre et le lin avec des peaux de raisins cueillies et séchées à la main de la parcelle pour créer un papier qui habille les murs de ce salon de toute beauté.
Le Winepaper fait écho au métier de Billecart-Salmon : il suit les vendanges et la nature. En effet, le Winepaper peut être fabriqué uniquement pendant la période des vendanges, et dans un délai de 24 heures car, au-delà, les peaux de raisins seraient trop détériorées. La délicate élaboration de ce papier évoque la sophistication et le caractère de la cuvée, à la fois éphémère et rare, puisque seuls des raisins millésimés sont utilisés et pas plus de 4 800 bouteilles numérotées produites…. Lors de notre déjeuner de bienvenue nous aborderons bien sûr l’amour du terroir et de la vigne autour des meilleurs crus de champagne avec des données tehniques indipensables : au total, la Maison est propriétaire d’environ 100 hectares et exploite environ 100 hectares supplémentaires dans plus de 40 crus. Ce vignoble est complété par des achats de raisins sur une superficie de 100 hectares avec d’autres vignerons. La plupart des raisins utilisés pour la vinification proviennent d’un rayon de 20 kms autour d’Épernay, là où coexistent les Grands Crus de Pinot Noir, de Chardonnay et de Meunier dans les terres de la Montagne de Reims, de la Côte des Blancs et de la Vallée de la Marne. Sur le départ, nous garderons en mémoire la dégustation de la magnifique cuvée Nicolas François dont l’audace lui a permis d’être en 1999, sur le millésime 1959, élue « Champagne du Millénaire » par un jury d’experts lors d’une dégustation à l’aveugle de 150 millésimes des plus grandes Maisons de Champagne, organisée par Richard Juhlin « himself » à Stockholm…. C’est dire ! www.champagne-billecart.fr
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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