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Camille Saint-M’Leux, limiter l’empreinte

Répondant à la logique du consommer local et du circuit court, la cuisine du chef de la Villa9Trois sur les hauteurs de Montreuil, mise sur le respect cardinal du produit. Une table étoilée au Michelin qui laisse l’assiette dire sa propre vérité !

Ce jeune chef nantais pré trentenaire aux commandes des cuisines du numéro 71 de l’avenue Hoche à Montreuil Sous-Bois amorce un nouveau chapitre aux fourneaux de l’institution montreuilloise. Quand il n’est pas en cuisine, on  croise Camille Saint-M’Leux du coté des ruches, du poulailler ou du potager au sein du parc arboré nourricier attenant au restaurant. Ses d’audacieuses variations terre-mer et ses vibrantes compositions, accueillent la fraîcheur du Grand Ouest, dans une précision horlogère, déroutent le palais. Empreinte d’engagement et de responsabilité, sa cuisine, respectueuse des lois de la nature, s’impose avec une modernité affirmée. Le parcours de du lauréat San Pellegrino Young Chef 2023 nous dit que le jeune homme, au tempérament discret, sait ce qu’il veut. Formé Au Ledbury à Londres, puis auprès de Le Squer, Bartocetti, Solivérès, avant de s’envoler pour les très branchés Quay et Urbane en Australie… Epaulé de son fidèle second en cuisine Curtis Fallourd, le chef affiche une empreinte sensible dans une ambition légitime aux portes de Paris et cela porte ses fruits.

On opte pour le menu en six temps. Ce seront Tom Blaise (chef de rang) et Jérémie Chemama, le  directeur de salle et sommelier attentionné (passé par la Scène Thélème, Mathieu Pacaud et au Pavillon Ledoyen) qui nous accueilleront avec sourire et professionnalisme dans une appréciable simplicité. On ouvre les festivités avec le formidable caviar de la maison de Neuvic avec riz soufflé à la japonaise et crème d’Isigny. On aime son coté légèrement fumé au bois de hêtre. Coté sommellerie, on part sur le bon conseil d’un Loupiac en Médoc qui nous conduit sur l’aromatique d’un sol argilo-calcaire entre belle tension et notes florales. Arrive ensuite la divine Girolle qui nous va droit au cœur avec ces échalotes que le chef à fait frire amoureusement. La fermentation de champignon sous forme de flanc dans un velouté de cresson persillé est époustouflante. Un vin d’Arbois du Jura, issu du merveilleux Domaine de la Renardière, s’ouvre à nous sur le gras de son chardonnay avec des parfums oxydatifs.

La précision est remarquable.

On passe sur la troisième entrée avec l’oursin glacé, brioche tiédie et beurre noir. On remarque que l’assiette est travaillée avec beaucoup de soins. Un enivrant saké Hakkaisan, vieilli trois ans dans la neige venu du Nord de Tokyo au bord de la mer, nous fait part de  sa robe très pure qui enrobe le palais et contre balance le coté iodé. Un rêve éveillé. Surprise attestant que le coeur et la passion des cuisines prolongent l’entrain en salle, l’arrivée du lieu jaune cuit à la nacre témoignent d’une envie de se surpasser avec un point de cuisson impeccable qui donne l’aspect « arc-en-ciel » non loin du poireau crayon grillé au thym sur barbecue à la japonaise. La précision est remarquable et l’assiette bienveillante. La sauce praliné de tournesol, relevée d’arachides, est une pure source de bonheur qui nous invite à nous laisser guider. Un Riesling allemand de Mosel équilibre le coté torréfié avec un sucré résiduel. Tout file vraiment doux. Le bœuf de Chateauneuf, pièce de bœuf fumée au thym détonne dans son enrobage à l’encre de seiche et œuf de hareng fumé sous trois niveaux de fumé.

Parfaitement cuit, ce paleron de bœuf Angus saignant est un vrai trésor gustatif qui prouve que le chef connait ses classiques. Le sommelier, aussi savant qu’accessible, nous propose alors ( une très belle initiative de sa part) un vin rendant hommage à Bages, entre le sud de Perpignan et la frontière espagnole, dans un subtil assemblage de trois grenaches (gris, noir et blanc) portant la complexité oxydative du macabeu. Sans tourner le dos à la griotte confite, on prête attention à l’ « option deux » avec le magnifique Saint-Emilion Dame de Trottevieille 2011 qui ne nous laisse pas indifférent. Aucune scorie, nulle part. Le service suit son rythme. Bienvenu et bon enfant, le trou normand avec un charmant sorbet en concentré de gelée citron salicorne sous brume de téquila nous revigore par son aérienne et angélique fraîcheur. Le pré dessert, quant à lui, ne s’oublie pas en  conviant les figues rôties au miel de châtaignes, sa crème glacée de yahourt à la fleur d’oranger et un tendre clafoutis de figues aux amandes. Un raffiné Vouvray demi-sec libère ses chenins et donne la réplique. Enfin, l’instant du dessert se fait sur un chocolat de Sao-Tomé 75% sarrasin torréfié, grué de cacao. La ganache est cuite au four et la crème de lait versée dans la tuile façon crêpe dentelle avec une crème glacée farine de sarrasin que vient caresser un vieux porto 10 and d’âge avec son bouquet de fruits noirs confits, de mûres et de cassis. En quittant les lieux, on se sent bien car nous fûmes dans le vrai  ! www.villa9trois.com