Identitaire et ancrée dans le terroir, la cuisine de ce chef doublement étoilé au Guide Rouge, revendique une identité culinaire portée par un art saucier exceptionnel. Direction la Bourgogne-Franche-Comté, à Saint-Rémy, pour vivre cette expérience unique à l’heure du déjeuner. Un privilège !
C’est au cœur d’un ancien moulin du 19ème siècle, entre le monde de l’eau et celui des arbres, que ce chef natif de Saône-et-Loire, cultive sa saisissante partition bourguignonne via « une cuisine que l’on aime et dans laquelle on exprime ce que l’on est ». A proximité des riches pâturages du Charolais, et à quelques kilomètres de Chalon-sur-Saône seulement, ce fils d’éleveurs perfectionniste, ambassadeur Car Avenue BMW et passionné de haute horlogerie, sait valoriser au sein de son restaurant éponyme (ex L’Amaryllis) les circuits courts dans une cuisine parfaitement équilibrée qui clame que l’acidité (hommage au vignoble Bourguignon) c’est l’équilibre apte à amener la bonne profondeur et le caractère jusqu’au bout du repas dans une légèreté et une « digestibilité » idéales. L’enfant du pays a fait ses armes, rappelons-le, chez Paul Bocuse et le grand Pierre Orsi. Signe distictif ? Il aime, par dessus tout, les mets généreux soulignant, dans la sincérité, la beauté des savoir-faire locaux et répondant aux bonnes questions.
A notre arrivée, après avoir observé le bief impassible, nous sommes chaleureusement accueillis par le directeur de salle et sommelier Matthieu Martinache (passé par le Clos des Sens à Annecy, attention) qui nous convie à prendre place à une table jouissant d’un emplacement de choix pour se lancer dans le grand Menu Dégustation. On est tout à lui. Les murs de pierre de ce cadre bucolique, non loin du potager, exprime un esprit locavore aussi plaisant que réjouissant. Certains viennent parfois de loin pour déguster ici l’omble de la Ferme Aquacole de Crisenon laqué à la liqueur de sapin et accompagné de son jus d’arrêts déshydratées. On attaque le Menu « Notre Découverte » en neuf temps. Les « Souvenirs d’enfance du Chef » convoquent Tartare de bœuf, œufs de caille pochés sauce meurette, cromesquis d’escargot et éponge d’estragon.
Un plat aussi brillant que grisant
Vertueux rime ici avec joyeux. Ensuite, le Foie Gras de la ferme de Lou Metché, poêlé et cuit au sel, nous met aussitôt en joie avec ses oignons déglacés au vinaigre de framboise. La cheffe de rang Ricarda Sieber aux cotés d’Alex nous présente ensuite La divine Coquille Saint-Jacques de plongée saisie à la plancha. Le butternut fermenté et citron noir capte toutes nos attentions. Le temps qui suit de l’Oignon, en compotée, torréfié et en pickles gagne illico notre cœur. On est sans voix. Le bouillon d’oignon et huile d’ail nous emplit de réconfort. Coté sommellerie, on est sur un vrai sans faute avec une première sélection de Matthieu Martinache qui accompagne l’assiette avec brio en mettant à l’honneur : Le Rully Chêne 2020 du Domaine Vincent Dubreuil Janthial, le Chassagne Montrachet 2021 du Domaine Joseph Colin, l’ hydromel « maison » de Martorey en collaboration avec Simon Lecomte et un Valais 2022 Païen du Domaine Pierre-Elie Carron.
Julibatoire au nez comme au palais. Tout aussi grisant et brillant que l’Oignon, le plat signature de l’Ormeau, qui a été confit lentement au beurre et travaillé avec l’épinard, témoigne du degré d’exécution et de précision des fourneaux. Notre sidérante déambulation gustative nous emmène maintenant vers une forme d’apothéose, celle de La Truite fumée et œufs de truite avec son chou-fleur cru et cuit dans une tartellette avec de la noisette. Le chef célèbre, une fois encore, le terroir et les saisons. C’est un vrai régal pour la rétine qui navigue entre l’assiette et la beauté de l’Orbize qui passe sous le moulin. On est pas au bout de nos surprises avec la venue du déroutant Poireau et sa julienne de poireau croquante, herbes du jardin et jus végétal. Ce plat torréfié et confit à la truffe, qu’on se le dise, est un véritable chef-d’oeuvre. L’atmosphère est bonne, le service est juste et le soleil ardent au rendez-vous.
Le plat trouve son état de grâce
Nous sommes bouleversés littéralement par le Chevreuil rôti et fumé aux bois de genévrier. Flambée au whisky et gruée de cacao, cette création, a quelque chose de vraiment fascinant en bouche. On adore le coté flambé et mariné aux notes tourbées qui se prolongent avec le caviar Dauricius et le chou rouge croquant fermenté. La cuisson parfaite est d’une tendresse rare et trouve son état de grâce avec le condiment gel et cassis du potager. Le porte-voix des caves nous a réservé sur cette étape de l’expérience quelques merveilles qui attestent du sérieux et de la très bonne tenue des caves de l’établissement : un Marsannay 2016 du Domaine Jean Fournier, un Nuits-Saint-Georges 2019 du Domaine Henri Gouges. La partition, sans esbroufe ni mauvaise posture, est simplement sublime, complexe et exigeante. Au dessert, pour terminer en délicatesse, le repas, on fait la découverte du talent de la Cheffe Pâtissière Marie Simon qui livre son « Miel de nos Ruches », en émulsion et crème glacée. On est conquis par le Chutney de pommes et graines de moutarde.
Dans cette savoureuse dynamique, on passe au princier Chocolat de la Chocolaterie de l’Opéra. On a le crémeux, le croquant et cette audace incomparable venue de la sauce chocolat et whisky et de la glace vanille et poivre voatsiperifery. Le temps s’arrête et l’esprit rayonnne dans cette parenthèse sucrée, enlevée et aérienne. Dans le verre, le Cap Ruby du Domaine Groot Constantia (le plus ancien domaine viticole d’Afrique du Sud et l’un des plus beaux qui séduisit en son temps Napoléon ) nous enchante. En quittant les lieux, on se dit que le Chef nous fait part des moments les plus heureux de sa carrière et certainement de sa vie, en avançant dans une confiance dont il nous fait partager la grâce et la générosité. Le sens de la transmission et du partage prend ici, en terres bourguignonnes, tout son sens. On est honorés et rendus plus forts. Là réside, parait-il, le secret de tous les grands champions !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
Contact Instagram