Jusqu’au 21 janvier prochain, Liaigre invite l’artiste Felice Varini au 77 Rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris pour l’exposition « D’éclat en éclats » au sein de son hôtel particulier. Au programme ? Des œuvres hypnotiques qui bouleversent radicalement nos sens. A découvrir sans plus attendre !
Il y a des expositions qui ont le don de retenir l’attention et de rester dans les mémoires. Celle-ci fait très clairement partie de cette catégorie. Mais tout d’abord un petit rappel préalable s’impose en vue de la découverte des quatre nouvelles peintures de l’artiste-star. En effet, le médium de Felice Varini conecrne l’espace et son sujet est la construction de points de vue. Élaborées depuis la toute fin des années 1970, ses œuvres géométriques se déploient à l’échelle d’architectures et défient de leur monumentalité la ville et l’urbanisme. Partant d’une composition réalisée préalablement sur photographie, l’artiste projette ses grands dessins bidimensionnels sur les reliefs du site, exploitant les principes de l’anamorphose dans des dimensions monumentales. Le spectateur se voit proposer une expérience optique basée sur la recherche du point de vue unique, dévoilant le dessin parfait : damiers, cercles concentriques, etc… Positionné ailleurs dans l’espace, le visiteur ne perçoit qu’un désordre de lignes courbes à l’aspect chaotique et fragmenté, d’un caractère extrêmement dynamique.
Ainsi, au cœur de cette exposition parisienne, Félice Varini atteste une fois de plus qu’il travaille l’espace et la question de sa perception comme aucun autre ne sait le faire. La magie opère et l’immersion s’établit immédiatement. Ses oeuvres géométriques se font discours sur une architecture, à l’échelle d’un intérieur mais aussi d’une rue ou d’un quartier. Les inconditionnels du maître n’ignorent pas que le processus de composition et de réalisation de l’oeuvre s’inspire des règles de la perspective utilisées depuis la Renaissance dans les tableaux mais en procédant à une inversion totale. Alors que le système inventé par Brunelleschi concentre les lignes de fuite en un seul point d’un plan pour y creuser une profondeur fictive, le travail de Felice Varini rétablit la projection de la pyramide perspectiviste en trois dimensions et la développe dans l’espace même du regardeur.
Des peintures de formes géométriques
Le point de fuite devient point de vue, au coeur de la prunelle du spectateur. Celui-ci est alors plongé dans une situation de perception où se conjuguent une posture d’expérience optique et le pur plaisir de l’illusion, lié à l’apparition d’une image faussement trompeuse. Depuis les années 70, la peinture de Felice Varini se développe au-delà du tableau, en considérant les espaces et lieux de sa présentation, en les investissant par des peintures de formes géométriques. Né à Locarno, en Suisse, mais installé à Paris depuis de nombreuses années, Felice Varini construit en effet, oeuvre après oeuvre, d’un site à l’autre. Il agit sur la réalité physique des lieux architecturaux.
Depuis un point de vue, les fragments peints dans les espaces s’assemblent en une forme cohérente. Hors de ce point de vue, cette forme se recomposera, dansant sur l’ensemble des lieux, selon les différentes positions des visiteurs spectateurs. « D’éclat en éclats » est une exposition qui parcourt le showroom Liaigre ( à noter que Liaigre a invité précédemment les artistes suivants : Marta Pan, Françoise Pétrovitch, David Adamo, Fabienne Verdier, Pascal Marthine Tayou, Ziad Antar, Sara Favriau, François Halard..), en relevant son architecture intérieure, ses matériaux, son histoire et sa fonction. Felice Varini réalise in situ quatre peintures, dans différentes zones ; l’escalier, un couloir, l’atelier au troisième étage. Il choisit des espaces de circulation, où les visiteurs en mouvement ont l’occasion de multiplier leurs points de vue sur l’oeuvre. Les murs, le sol, les éléments architecturaux, sont soulignés par des lignes peintes formant une image bidimensionnelle. On sort de cette déambulation arty sous le commissariat avisé de Carlos Sicilia plein d’allant et de joie en en demandant encore davantage. C’est plutôt un bon signe. A faire donc sans perdre une seule minute !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
Contact Instagram