Gaspard Ulliel (1984 – 2022)
Si l’auteur de ces lignes devait livrer un souvenir sur Gaspard Ulliel, ce serait celui d’une interview et d’une séance photo qui eurent lieu il y a de ça une dizaine d’années. Dans un café d’un quartier populaire de Paris, au cœur d’une de ces rues déjà pour longtemps éventrée, nous avions trouvé refuge au comptoir d’un café dans son jus que vinrent vite animer les ouvriers à l’œuvre sur les trottoirs. C’était pour eux l’heure de la pause. Tout cela finit dans la bonne humeur et les rires, au milieu des clients, des casques de sécurité posés sur les banquettes, à casser la graine, debout, au comptoir. Sans jamais se formaliser.
Dans une corporation qui pullule d’arrogants, de faiseurs, de faux airs d’airain, leur chic en toc, Gaspard Ulliel débordait, lui, d’une élégance sereine. Sur la forme comme sur le fond pourait-on ajouter prosaïquement. Le comédien libérait, dans ses échanges avec la presse, toute la passion nourrie de son métier. Il l’exprimait avec une fluidité constante. Posé, clair, « beau mec » qui plus est. Et puis cette cicatrice qui, chez un autre, se serait faite handicap, mauvais souvenir, damnation, le transformait d’office en personnage romanesque : bretteur, pirate, aventurier ! Il aurait pu se faire coq mais avait clairement du panache. Il poursuivait le bonheur, professionnel autant que personnel, avec le rythme amusé d’un métronome. Toujours une anecdote sur un tournage à vous dévoiler, jamais avare en confidences tant qu’elles n’entamaient pas le cadre du privé. L’homme était raisonnable et raisonné.
Hasard du calendrier aujourd’hui bien malheureux, Gaspard Ulliel aurait dû être en couverture du n°106 d’Edgar prévu l’été prochain. Cela ne se fera jamais. Le rideau a été tiré. Sur un accident bête à vous faire pester. Disparition bien symbolique dans cette époque à teintes sombres. Nombre de pensées l’ont accompagné. Edgar naturellement s’y associe. Avec le souhait pour lui, un peu naïf toujours, que le bonheur aussi se cultive dans un ailleurs.
Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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