A l’heure où le cinéma de Hong Kong, écrasé par le rouleau compresseur des studios de Pékin, cherche à faire peau neuve, Le Forum des images offre aux amateurs de cinéma asiatique une plongée exceptionnelle dans ses trésors de 7e art. Jusqu’au 7 juillet.
C’est un cinéma qui fut jadis abondant, débordant d’inventivité, d’audace comme de violence. A tel point que Hollywood, dans sa grande tradition vampirique, s’intéressa un temps à ses talents, pour mieux les presser et les rejeter ensuite, épuisés à s’être perdus de série B en série B. Hong Kong, jadis une des capitales mondiales du cinéma, fit durant près de cinq décennies le bonheur de cinéphiles aujourd’hui devenus pour certains des seniors. Les gamins que nous fûmes se souviennent, fébriles encore, de la découverte des films de la Shaw Brothers ou de la Golden Harvest en cassettes éditées par feu René Chateau, du mythique numéro « Spécial Hong Kong » des Cahiers du cinéma sorti dans les années 80, ou du Ciné Kung Fu (éditions Ramsay) signés des frères Armanet, qui à l’époque coûtait un bras – probablement celui que se tranchait volontairement David Chiang dans La Rage du tigre de Chang Cheh.
Écrans en tout genre
Des films d’arts martiaux bien sûr (longtemps nommé à tort « films de karaté »), mais aussi du polar féroce, des comédies musicales ou non sans oublier du cinéma d’auteur (Ann Hui, Patrick Tam…). Pendant quatre mois, Le Forum des images offre ses écrans au cinéma de Hong Kong d’hier et d’aujourd’hui pour une rétrospective qui restera dans les annales. Un constat néanmoins fait serrer les cœurs : la splendeur du cinéma de l’ancienne colonie britannique semble bel et bien derrière elle. Aujourd’hui, la nouvelle vague de cinéastes locaux comme les plus aguerris préfèrent répondre sans fard aux appels de la Chine intérieure. John Woo, Tsui Hark, Jackie Chan, pour ne citer qu’eux, roulent pour Pékin avec des budgets conséquents et la promesse de résultats mirobolants au box-office. Ringo Lam (Full Alert, Wild Search…) n’est plus de ce monde. Quant à Wong Kar-wai (In the Mood for Love), il officie désormais pour la télévision. « Comme tout le monde » pourrait-on soupirer. Le cinéma de Hong Kong n’est plus au beau fixe – sujet de plusieurs articles dans le South China Morning Post – mais pas pour autant moribond. La résistance chevillée au corps de cette ville à la genèse unique se retranscrit dans ses plus récentes créations, face à ses transformations, les pressions diverses, la censure. Ce « sang neuf » aura droit à un focus tout particulier du 20 au 23 juin.
A ne pas rater
Souhaitons à ce Portrait de Hong Kong – une longue et belle série de projections, de conférences, de rencontres… – le succès qu’il mérite. La possibilité de (re)voir de telles perles du cinéma asiatique tient du miracle. La curiosité des distributeurs semble aujourd’hui moindre et il faut saluer, par exemple, le travail de Carlotta Films pour ressortir en France plusieurs longs-métrages de Stanley Kwan (Rouge, Amours déchus…) également présents dans la sélection. Pour les néophytes, quelques pistes. The Long Arm of the Law de Johnny Mak, polar désespéré dont la poursuite finale, dans la cité interdite de Kowloon, aujourd’hui rasée, brille par sa violence et sa claustrophobie. Il y a deux Bruce Lee, le Big Boss du cinéma de Hong Kong. Des merveilles de la Shaw Brothers (La Rage du tigre, l’halluciné Les 8 Diagrammes de Wu-Lang…) comme du renouveau du cinéma HK dans les années 80/90 (Nomad de Patrick Tam, Hong Kong 1941 de Leong Po-chih…). Sans oublier de petits trésors de film noir (Man on the Brink, P.T.U….). De quoi se gorger, jusqu’à l’été, d’un cinéma qui désormais tangue entre nostalgie et impérieuse remise en question.
Portrait de Hong Kong au Forum des Images, du 3 avril au 7 juillet.
2, rue du Cinéma
75001 Paris
Tel : 01 44 76 63 00
www.forumdesimages.fr
Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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