Après 40 Mélodies, l’album de ses quarante ans, le trompettiste s’offre un retour salutaire sur scène actuellement au Théâtre de l’Oeuvre, à Paris. Cela valait une discussion avec Edgar.
Après vos récentes vicissitudes, comment se forger un mental pour remonter sur scène ?
Je pense être quelqu’un d’équilibré. J’ai la tête sur les épaules, je suis bien dans mes baskets. Et je suis surtout très bien entouré par ma famille, mes amis… Lorsqu’il vous arrive des choses difficiles, on les traverse assez sereinement. Même si je n’allais pas bien, tout le monde autour de moi est resté soudé et uni. Pour finir, comme toujours, c’est la solution qui règle le problème. Dans mon cas, j’ai été innocenté par la justice et blanchi sur le fond et sur la forme. Ça fait du bien.
Quand avez-vous senti le point de bascule dans votre carrière ? Que votre désir d’en faire votre métier se concrétisait enfin ?
Sincèrement, ça n’a jamais existé. J’ai toujours vécu dans une famille où la musique était présente mais n’était jamais quelque chose d’acquis. À chaque nouveau projet, à chaque album, chaque tournée, je me dis que c’est peut-être la dernière fois et que je dois vivre l’événement à fond. Et donner le meilleur de moi-même, de m’améliorer, d’apporter à chaque fois quelque chose de nouveau, de vrai. À aucun moment, je me suis dit : « Ça y est ! » Ce sont des métiers trop fragiles qui peuvent s’arrêter du jour au lendemain. Même parfois pour des bêtises.
Lorsque vous regardez la photo de vous sur l’album 40 Mélodies, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ?
Beaucoup de souvenirs. J’ai toujours considéré que les mélodies était la meilleure façon de se replonger dans son parcours, son passé. D’où le titre de l’album. J’ai mis cette photo parce que je souhaitais, au-delà simplement de la musique, montrer qu’il y avait derrière des significations, une époque, un moment de vie. Comme lorsque vous regardez une photo d’enfance.
Après ces deux dernières années chaotiques de crise sanitaire, appréhendiez-vous de revenir sur scène ?
A un moment donné, j’ai presque eu peur de remonter sur scène. Comme quelqu’un qui n’aurait pas fait de vélo depuis longtemps… Ça n’a pas duré longtemps. Je fais des concerts depuis l’âge de huit ans. Finalement, ce n’était pas une peur ni logique, ni légitime. Je me suis plutôt demandé si les concerts allaient être « comment avant ». Cette interrogation n’était pas du tout justifiée. Une fois sur scène, entouré de musiciens, je n’ai jamais l’impression d’avoir à reconstruire quelque chose.
Pourquoi le Théâtre de l’Oeuvre pour vos concerts ?
J’étais allé voir Scènes de la vie conjugale avec Raphaël Personnaz et Lætitia Casta dans ce théâtre. J’avais travaillé avec le metteur en scène de la pièce, Safy Nebbou. J’avais trouvé l’endroit magnifique. Il me rappelle également un petit théâtre, très similaire, proche de là où j’ai grandi à Étampes dans l’Essonne. J’ai tout de suite eu envie de revenir à quelque chose de plus humain. Je me suis rendu compte que plus les salles devenaient importantes, Bercy, les Zénith, les gros festivals, moins le public sait vraiment qui vous êtes. Vous devenez impersonnel. Une figure plus qu’un être humain. Et cela me manquait de retrouver une forme d’humanité.
Ces invités sur le disque 40 Mélodies (Sting, Arturo Sandoval, Marcus Miller…), avez-vous eu des difficultés à les réunir ?
Étrangement, oui, très facilement. Ils étaient disponibles, ils étaient tous chez eux ! C’était assez génial de pouvoir profiter du confinement pour pouvoir me connecter avec toutes ces personnes que j’apprécie, que j’aime. J’avais déjà joué avec certaines. D’autres, c’était resté jusque-là à l’état de projet. Je pense au Kronos Quartet. C’était l’occasion ou jamais. Avec Marcus Miller ou Sting, nous avions déjà joué sur scène mais jamais fait un duo sur un album. C’est chouette.
Question légère et de style : comment définir le look Ibrahim Maalouf ?
En général, je choisis des tenues assez sport. C’est ce qu’il y a de plus confortable. Quand je passe à la télévision ou même sur scène, je suis toujours en basket. J’essaye de trancher avec des choses un peu plus casual pour le reste : une paire de jeans simple, un t-shirt, une chemise basique. La simplicité, comme dans la musique, la nourriture, d’autres formes d’art, ça reste le moyen le plus facile et agréable d’être compris.
Photos © Yann Orhan
40 Mélodies d’Ibrahim Maalouf, éditions Mister Ibré.
Quelques Mélodies actuellement au Théâtre de l’Oeuvre, 55, rue de Clichy, Paris 9e. Puis en tournée dans toute la France.
Signature « historique » d’Edgar pour le cinéma, lecteur insatiable, collectionneur invétéré d’affiches de séries B et romancier sur le tard (Le Fantôme électrique, éd. Les Presses Littéraires).
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