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John Wick 4 : le Rebelle du dieu néon

Devant la déferlante de critiques esbaudies, le journaliste cinéma d’Edgar a remis sa ceinture bleue et serré les poings. Non, John Wick 4 n’est pas le Ben Hur du film d’action. Plutôt une démo interminable d’un jeu vidéo de bagarre homérique. De quoi vous laisser ko technique.

John Wick (Keanu Reeves) est de retour. Quatre ans après sa dernière aventure, efficace et stylisée, John Wick Parabellum, signée Derek Kolstad. Là, c’est Chad Stahelski (coréalisateur du premier opus et responsable du deuxième) qui s’y colle question de poursuivre la fructueuse franchise imposée avec patience. Cette suite est-elle utile ? Probablement pour les fans en manque du jeu de jambes du zen Keanu. Et des tiroirs-caisses hollywoodiens toujours avides de bonnes formules. Pour le reste, malgré l’attente, le résultat est à la peine. A moins que vous ayez grandi, geek, une manette de jeu greffée à la main.

John Wick (Keanu Reeves) : autant en emporte son nunchaku !

Grand remplacement

Winston (Ian McShane) n’a pas le cœur à rire. Pour avoir été trop prévenant envers John Wick, l’organisation de la Grande Table, désormais sous la coupe du vilain Marquis de Gramont (Bill Skarsgård avec l’accent français de l’inspecteur Clouseau), lui retire la direction de son hôtel, le Continental. Pire, l’établissement est plastiqué – ce qui redonne soudain à New York des airs de 11 septembre. Les temps changent, une nouvelle génération se présente qui n’en veut plus des combattants de la vieille école. Quant à Wick, toujours affûté, il se retrouve la tête à nouveau mise à prix. Pour 20 millions de dollars cette fois. Et avec une tripotée de tueurs à gages à vouloir lui trouer son costume en kevlar : un Chinois sabreur aveugle, un tueur à gages noir et son chien féroce, une armée de samouraïs modernes… Entre Osaka sous les néons et un Paris dépeuplé, la guerre totale peut commencer.

Caine alias la star de Hong Kong Donnie Yen, terreur aveugle.

Faste & furieux

2h49. Autant dire que si vous n’appréciez pas le cinéma d’action, vous risquez de saigner autant que les personnages… La saga John Wick se sera imposée sympathiquement dans une sorte croisement entre série B sous benzédrine et fantasme de « Beat’em up » (pour les novices, un jeu vidéo durant lequel le héros progresse en s’attaquant à tout ce qui bouge) sur grand écran. Du sport donc pour un Keanu Reeves dans la vie féru d’arts martiaux et sur qui le temps ne semble pas avoir d’emprise. Sauf que là… La belliqueuse surenchère voulue par Chad Stahelski donne rapidement le tournis et provoque inévitablement l’ennui. Le film s’ouvre sur John Wick s’entraînant jusqu’au sang dans le pur style karaté d’Okinawa. Le monsieur est prêt. Ça va chauffer. Commence ainsi une fresque des plus restreintes psychologiquement, chaque caractère étant dessiné à la va-vite avant de passer au plat de résistance : une orgie de bagarres et de cascades orchestrées sur fond vert. Film de cinéma ? Jeu vidéo grandeur nature ? La frontière se fait floue, le spectateur s’y perd. Espérons qu’à l’instar du film Creed, il n’ira pas, de désarroi existentiel, passer ses nerfs dans la salle.

Bowery King (Laurence Fishburne), John Wick (Keanu Reeves) et Winston (Ian McShane) animent Affaire conclue métro Porte des Lilas.

Á poing, c’est tout

Rien qu’à voir Ian McShane, son râtelier tout neuf, qui ressemble à une vieille croupière d’un casino de Brighton, il y a de quoi sentir son cœur s’étreindre. Qu’elle est loin la petite frappe, amant de Richard Burton, de Salaud (1971) ou du délirant La Cible Hurlante (1972) de Douglas Hickox, deux merveilles de polars britannique. On se dit là qu’il est très tard… Sensation plus étrange encore, ce nouvel opus paraît miser plus sur une cascade de nouvelles têtes que sur son héros principal lui-même. John Wick/Keanu Reeves s’efface (trop?) souvent au profit de ses alliés ou adversaires. Un bretteur aveugle (resucée nostalgique d’un cinéma de Hong Kong disparu) incarné par Donnie Yen qui brûle ses derniers feux. Horoyuki Sanada, l’éternel ancien de la série San Ku Kai pour les gamins germés dans les années 80, campe le patron du Continental Hotel d’Osaka accroché à son code du Bushido dépassé. Larry Fishburne se la joue toujours Othello poids lourd dans la peau de Bowery King. Etc. Tout ça pour passer les plats entre les bagarres, les poursuites en voiture, une violence teintée de cynisme fort et mécanique qui finit par enivrer, des boîtes de nuit russes aux Champs Élysées. L’exotisme du jeu vidéo, toujours ! L’empreinte Street Fighter probablement. Les scènes de dialogues ne sont plus que des liens entre celles de mitraillages, de nunchaku, de sabre, de coups de poing, de gangsters dévorés par un chien…

John Wick (Keanu Reeves), un dernier tour et puis s’en va.

Porno-violence ? John Wick 4 n’en est pas loin. Au-delà d’un rythme frénétique et vain qui plaira sans doute à celles et ceux nourris à Tekken et Grand Theft Auto, le film ressemble à une ultime tentative de renouer avec un amour perdu. Vous êtes là, vous n’êtes pas là. C’est long. Et finalement, vous n’y prenez qu’un plaisir superflu.

Photos : Murray Close

John Wick 4 de Chad Stahelski avec Keanu Reeves, Donnie Yen, Bill Skarsgård… 2h49. Sortie le 22 mars.