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Kei, ravissement trois étoiles

Véritables œuvres picturales, les plats du chef Kei Kobayashi livrent l’excellence d’une partition gustative et visuelle comme il en existe peu. La créativité sans limite et le raffinement au cœur de cette table d’exception célèbrent une sophistication singulière portée par une poésie de l’instant. Un must  !

Si l’on devait retenir deux mots pour définir la philosophie fondant la magie de cette table figurant au sommet du Michelin, ce serait régularité et précision. Seul chef japonais à avoir décroché trois étoiles en France, Kei Kobayashi fait partie de ces hommes esthètes qui sont habités par une vision forgée par l’amour des arts, ceux allant de la mode à la haute horlogerie. Son absolu ? Créer au cœur de son écrin une théâtralité, une expérience et un moment unique qui puisse être partagé ensemble. Passionné de gastronomie française, il apprendra très vite au sein des cuisines de Michel Husser et au Plaza Athénée sous Alain Ducasse qui lui transmet son amour pour des goûts évoluant en fonction de ce que la nature et les producteurs peuvent offrir. A deux pas de la rue du Louvre et de la Place des Victoires, l’adresse de ce natif de Nagano « toqué » de cuisine hexagonale attire les plus fins gourmets du monde entier qui viennent vivre l’expérience « Kei » en mesure de s’échapper du répertoire traditionnel pour sublimer encore et toujours plus avant le produit dans son intime essence. Interpellés par cette virtuosité rare, nous avons donc décidé de découvrir cette ode à l’harmonie sans pareille. L’accueil  très « gentleman » du directeur de salle Louis-Marie Robert nous honore par sa décontraction mêlée d’attention et d’élégance.

Se présente à nous un autre interlocuteur de choix, sachant jongler entre simplicité et fluidité : le chef sommelier Kevin Digonnet qui sera le porte-voix de la cave et des fourneaux sur cet accords mets et vins aussi rare que palpitant. Au rang des instants rares de ce sept temps, on marque un temps d’arrêt sur les renversantes crevettes de Palamos en ceviche, pomme verte infusée au thé Earl Grey et caviar « Kristal ». Un champagne De Sousa, Grand Cru Blanc de Blanc « Réserve » s’inscrit pleinement dans la danse. L’audace créative du plat, conduite de main de maître, se vit sous le signe d’une admirable délicatesse. Notre coeur bondit et nos papilles s’affolent quand se profile le second entrant et coup de cœur, à savoir le bouleversant jardin de légumes croquants, saumon fumé d’Ecosse, crème de roquette, mousse de citron, vinaigrette de tomate, crumble d’olives noires. L’accompagnement d’un noble Condrieu Domaine du Chêne 2020 opère sans attendre. Le régal est royal, le dressage impeccable et l’explosion de saveurs en bouche complètement dingue. On est bien au-delà d’une magnifique fusion franco-japonaise.

Un moment de jubilation profonde

Comme le confirme également l’immanquable langoustine fumée au foin, wok d’asperges vertes caramélisées, condiment au piment doux. Quelle maestria ! Un auguste Chablis Grand Cru Vaudésir Domaine Louis Michel&Fils 2020 se fait le partenaire idéal de cette orchestration millimétrée. On sait qu’il est sacrificiel de ne pas pouvoir s’étendre davantage sur le superbe bar en ligne rôti sur ses écailles, qui nous convie à un moment de jubilation profonde mais un autre plat-signature nous fait l’effet d’une onde de choc et cela doit être ici raconté. En effet, le magistral tataki de cochon ibérique, piperade et soubressade nous a livré ce que certains appellent le supplément d’âme ou encore la grande révélation. Un fascinant Gevrey Chambertin Domaine Frédéric Leprince 2020 célèbre le plat dans sa complexité et sa parfaite cuisson.

La résonance fine et l’intelligence de la composition nous comblent. Sur la partition sucrée des desserts le chef pâtissier, aux commandes, Toshiya Takatsuka va nous emmener très loin en matière de dressage et autres miracles, c’est certain. Aussi on mentionne à coté du fantastique crémeux au gorgonzola, la suprême tarte passion meringuée, cœur glacé au basilic et citron vert mariné. On est sous son empire et celui d’un tokaji « Edes Szamorodni 1413 » Domaine Disznoko 2028. Est-il vraiment nécessaire d’ajouter quelque chose ? Un silence s’empare de la salle ou plutôt de cette chicissime boîte à bijoux habillée avec soins par la Maison Saint-Louis. La fantasmagorie et l’équilibre parfait de l’assiette riment ici avec une certaine idée de « beaux-arts » selon Kei, celle consacrant les meilleurs des produits pour mieux nous en faire partager les ultimes secrets !

www.restaurant-kei.fr