*Douze ans après, le succès du restaurant La Maison de Petit Pierre où œuvre le chef biterrois Pierre Augé, ne faiblit pas. La recette miracle : une énergie débordante, un flux de vibrations positives et une cuisine généreuse prônant les richesses de la région.
À la Maison de Petit Pierre, on s’y rend comme à une fête de famille, avec la certitude d’être accueillis comme il se doit – petits et grands – et celle de bien manger, à tous les prix. Dans un Béziers essentiellement exposé à la quiétude de l’hiver ou a contrario, à l’ébullition de la Feria estivale, un univers méditerranéen s’invite dans le décor. Ce dernier inspire le juste dosage entre ambiance festive et sérénité absolue.
L’entrée s’apparente à celle d’une ancienne finca espagnole, cernée de ses murs corail façon terre cuite où un bouquet de fleurs plane au-dessus de la carte. Le menu est d’ailleurs à l’image de ce lieu à demi-insolite, affirmé et sans complexe aux influences méditerranéennes prononcées. L’un à 45 euros, s’intitule : « Je fais ce qu’il me plait » et prévoit quatre « surprises ». Un autre à 75 euros, nommé : « Tais-toi et laisse-moi faire » en prévoit six.
Le ton est donné, la ligne de conduite annoncée dans une forme de nonchalance amicale, d’attitude directe que l’on traduit par le besoin d’instaurer un climat de confiance et d’ironie : ici, on se dit tout. N’est pas anodine cette volonté d’inviter le client à une dégustation à l’aveugle. Pierre Augé part du principe qu’on peut tout apprécier.
Le palais est un organe qui se travaille et cela passe par la découverte de nouvelles sensations. « Les gens ont l’habitude de prendre ce qu’ils connaissent », confie le chef. « Moi, je les sors des sentiers battus. » Dans cette ambiance bohème, le murmure des cigales en bruit de fond, des plats surprises défilent sur la large terrasse extérieure, débordant un peu sur l’intérieur même les jours d’été – le restaurant compte plus de deux cents tables pour seulement deux chefs en cuisine et un chef pâtissier – qui rarement déçoivent. À l’évidence le sud règne en maitre. Produits locaux et plats typiques de la région figurent parmi ses best of. Il se fournit en fruits et légumes de saison chez son voisin maraicher du domaine de l’Hort del Gal, à qui il voue une confiance immuable comme à l’ensemble de son équipe et où il s’approvisionne deux fois par semaine. Toutefois le chef possède ses propres parcelles viticoles desquelles il extrait un vin « frais, léger », sa cuvée V&P.
Un plat de gnocchis de seiche, rouille, aïoli allégée et jus de persil propulse la culture locale à son paroxysme. Le tartare d’espadon, riz de Camargue et sorbet concombre, menthe, raifort, englobe générosité, finesse et surprise en bouche marquée par la croustillance du riz en surface. Un lapin confit en fine gelée de légumes verts au thym sauvage, sorbet basilic-citron vert renvoie le client à cette viande délaissée « et pourtant si fine, plus fine que de la volaille », aux dires du chef chez qui l’on sent venir des prémices de nostalgie. De l’enfance, il n’en est jamais sorti ou du moins, y est retourné. Selon lui, « Quand on est enfant on rêve de devenir adulte et une fois adulte on redevient enfant », c’est pourquoi il met l’accent sur l’insouciance juvénile, considère les plus jeunes comme ses propres enfants, leur dédie même un menu à quinze euros et met à leur disposition chaises hautes, feutres et coloriages.
Prôner souplesse et convivialité ne l’empêche pas de filer droit. Au contraire, le décomplexé Pierre Augé, qui s’autorise désormais le short (à son effigie) en cuisine : « J’ai attendu plus de dix ans avant de travailler en short », est un acharné de travail et cela se sent. Il parvient à dissimuler ses exigences et de probables carences de sommeil par le prisme de la bonne humeur, ce qui engendre un juste équilibre que lui-seul parvient à trouver. La familiarité avec laquelle il aborde le client, toujours à bonne distance, ainsi que la façon à laquelle il s’adresse à ses employés, entre justesse et bienveillance, renforcent notre fascination envers son travail. « J’ai appris à gérer mon impulsivité car malheureusement j’ai été formé en cuisine dans une ambiance hostile et défavorable, c’était chacun pour soi, à l’ancienne quoi », admet-il.
Il est droit sans être rigide, amical sans être intrusif, génie mais pas prétentieux. De bons retours sur sa personne lui importent autant que les éloges sur sa cuisine. Il souhaite être le reflet de ses créations et inversement. Douze ans après, le succès de sa table ne faiblit pas, Top Chef le poursuit encore, il n’est pas rare de le voir signer un autographe à un admirateur venu lui rendre visite pour ses performances télévisuelles. Récemment encore, il participe à l’émission Chefs à domicile avec Norbert Tarère – « Si tu n’apparais pas on t’oublie (…).Aavec ma femme Fanny, on fait en sorte d’exister, via les réseaux sociaux notamment. »
La Maison de Petit Pierre
22 Av. Pierre Verdier, 34500 Béziers
Menu à 45 euros :
« Je fais ce qu’il me plait »
4 plats surprises
Menu à 75 euros :
« Tais-toi et laisse-moi faire »
6 plats surprises
Photos : @carlottainparis
Journaliste et photographe, Charlotte partage ses bons plans food et musique, à Paris et ailleurs
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