Au cœur de ce second et dernier volet de notre enquête, portant sur l’engouement des consommateurs pour les vins blancs, cinq grands domaines nous renseignent sur cette tendance mondiale qui ne cesse de progresser. Direction donc la Bourgogne et la Vallée du Rhône où propriétaires et experts ont livré à EDGAR leur sentiment sur le sujet !
« L’engouement mondial pour les vins blancs ne se dément pas en Bourgogne puisque leur consommation ne cesse de progresser, entrainant des mutations profondes dans le vignoble bourguignon. En effet, certains terroirs qui dans un passé pas si lointain étaient connus pour produire du pinot noir ont été convertis en chardonnay, afin d’accroitre la production de vins blancs, qui aujourd’hui représente 60%, alors même qu’auparavant les vins rouges étaient très majoritaires. » souligne Jean-Luc Vitoux directeur des Parcellaires de Saux, petite maison de vins « haute couture » située à Meursault, village emblématique des grands vins blancs de Bourgogne, dont la philosophie originale est d’élaborer des vins de grande qualité en petite quantité, dans le strict respect du parcellaire. Chaque vin n’est issu que d’une seule parcelle, afin de mettre en exergue les spécificités de son terroir, tel le Meursault « Les Millerands » de cette maison. Le caractère exclusif de la production, du fait des faibles volumes issus de son approche parcellaire, a généré la mise en place d’une politique commerciale reposant sur des ventes sous allocations à des distributeurs sélectionnés et des amateurs éclairés. Il ajoute confiant : Cette demande pour des vins minéraux, frais et expressif semble dorénavant bien établie et la Bourgogne, grâce à la diversité de ses Climats et son cépage chardonnay, y répond parfaitement. »
En charge également de la direction du Domaine Belleville, Jean-Luc Vitoux nous parle de cette « philosophie » appliquée au sein de cette appellation où domine le chardonnay : « Situé à Rully et exploitant 21 hectares de vignes, certifié bio depuis 2021, le Domaine Belleville respecte lui aussi strictement les Climats puisque chaque parcelle du Domaine donne un vin éponyme exprimant la diversité des terroirs de Rully, Mercurey et Monthelie. Les vins du Domaine Belleville sont des vins de partage et d’amitié de grande qualité issus de terroirs encore méconnus de la Bourgogne, tel le Rully 1er cru « Les Cloux ». A noter, que ces vins remarquables, tout en dentelle, sont commercialisés sous allocations auprès de distributeurs choisis et auprès d’amateurs, « amis » du Domaine, « partageant l’hédonisme qui a présidé à leur élaboration. »
« Le vin blanc est un vin plus générationnel »
A travers la région viticole du Centre-Loire, la Maison Joseph Mellot exploite des vignobles sur l’ensemble des 8 appellations du Centre-Loire : Sancerre, berceau historique de la famille de vignerons, Pouilly-Fumé, Quincy, Reuilly, Menetou-Salon, Coteaux du Giennois, Châteaumeillant et Pouilly-sur-Loire. Elle y possède près de 50 hectares sur les plus belles parcelles. Vignoble emblématique, sur la rive gauche de la Loire, l’AOC Sancerre s’étend à flanc de collines qui culminent jusqu’à 400 m d’altitude, et couvre plus de 3000 hectares. On y distingue 3 types de sols : à l’ouest, les Terres Blanches, royaume des marnes argilo-calcaires du Kimméridgien qui confèrent aux vins leur superbe ampleur. Au centre, des collines très pierreuses à dominante calcaire, les Caillottes, apportent aux vins une puissante minéralité. Enfin à l’est, les Silex apportent leur touche minérale très recherchée de pierre à fusil.
Il n’existe pas d’autre endroit au monde, dit-on, où le Sauvignon blanc s’exprime avec tant de noblesse et de subtiles nuances, fruits de l’alchimie entre un grand cépage et des terroirs uniques. La propriétaire, Catherine Corbeau Mellot, nous partage son sentiment sur la demande croissante en vins blancs : « Le vin blanc est un vin plus générationnel. Avec cette impression de fraîcheur, Il peut être dégusté pour de nombreuses occasions : c’est un vin de convivialité, de partage. Les jeunes l’ont adopté également pour ces mêmes raisons. Ils l’apprécient pour une consommation plaisir. Il est moins daté que le vin rouge qui souvent fait écho au mode de consommation de la génération précédente. Le vin rouge est plus conventionnel en somme. En Asie, par exemple, le vin blanc est très apprécié par les femmes et la jeune génération qui se l’approprie comme leur propre mode de consommation. Qui plus est, le vin blanc se marie parfaitement bien avec la cuisine asiatique. C’est un marché porteur pour nous ». On opte chez Joseph Mellot pour des choix et des caps culturaux extrêmement respectueux de la vigne : culture en lutte raisonnée, maîtrise des rendements, suivi parcellaire et biodiversité figurent parmi les fondamentaux de la maison. Une démarche qui permet d’exalter au mieux le potentiel des raisins en misant sur un pressurage délicat, un débourbage statique à froid ou encore un suivi attentif des fermentations pour les blancs.
« Les nouvelles habitudes alimentaires »
Du coté de Châteauneuf-du-Pape, à Château Beaucastel, la production de vins blancs est limitée, puisque seuls 7 hectares y sont consacrés. Le cépage roi, la roussane, représente 80% de ce vin. Son terroir est caractérisé par une molasse marine de miocène recouvert par un diluvium alpin (cailloux roulés). Quant à l’élevage, on retient une vendange manuelle, un tri de la vendange, un ramassage en caisse, un pressurage pneumatique, un débourbage et une fermentation (30% en pièce, 70% en cuve). Autre specificité du Château de Beaucastel : un élevage pendant 8 mois (30% en pièce, 70% en cuve) ainsi qu’une mise en bouteille après huit mois. Face à la demande de vins blancs particulièrement soutenue en France et à l’international, la Famille Perrin fait le constat suivant : « On remarque notamment un intérêt accru de la part des nouvelles générations. Il est certain que les nouvelles habitudes alimentaires font gagner du terrain au vin blanc qui est, par exemple, régulièrement consommé au moment de l’apéritif. On apprécie de plus en plus aujourd’hui également de boire frais, et le vin blanc a un vrai atout dans ce contexte. Avec nos vins qui conjuguent la minéralité et la rondeur, nous proposons ce que recherche le consommateur d’aujourd’hui, avide de découverte et trés sensible à notre travail historique en biodynamie. »
Membre de la Primum Familiae Vini, (association regroupant certaines des familles du vin les plus prestigieuses et respectées au monde et qui prône les valeurs de tradition et d’excellence), la Famille Perrin est fière de cultiver, depuis cinq générations, les valeurs suivantes qui ont fait leurs preuves : le respect absolu de la terre et du terroir, la biodynamie comme philosophie de vie, la recherche de la vérité, de l’équilibre et de l’élégance. Consciente que les terroirs, dans le sud de la Vallée du Rhône, sont adaptés aux vins blancs recherchés aujourd’hui, elle précise : « Nous en sommes convaincus et nous savons également que cette progression des vins blancs n’est pas qu’un effet de mode. Si nous ne dédions en effet qu’une petite partie de notre production aux vins blancs, nous avons toujours recherché les plus beaux terroirs et continuons à valoriser nos beaux cépages avec notamment la Roussanne. Historiquement, la demande des vins blancs du Château de Beaucastel a toujours été forte et nous avons la chance d’avoir une clientèle fidèle. Celle-ci recherche en Château de Beaucastel un style unique lié à une vision pionnière et associé à un potentiel de garde exceptionnel. C’est sans doute l’adéquation de tout cela qui explique notre succès et qui nous pousse à toujours aller vers l’excellence. »
« Une consommation qui ne cesse de grimper »
Au cœur d’Echevronne, à quelques encablures de Savigny-lès-Beaune et Pernand-Vergelesses, le domaine Jean Fery (domaine familial fondé en 1922) cultive une histoire qui est sans nul doute l’une des plus insolites de Bourgogne. L’artisan n’est autre que le grand Jean-Louis Fery, père de Laurent et Frédéric Fery désormais aux manettes du domaine. Jean-Louis Fery, qui a repris le domaine familial en 1991, a toujours eu l’ambition de l’étendre sur les climats les plus prestigieux. C’est ainsi, qu’en 30 ans, il acquiert patiemment des parcelles sur les plus belles appellations pour passer son vignoble de 6 hectares à 32 hectares. Un fait rare en Bourgogne.
A la question de l’engouement actuel du consommateur pour les vins blancs, il nous donne quelques chiffres parlants : « La consommation mondiale de vin blanc représente à lui seul 47% de la consommation totale et ne cesse de grimper, tandis que le rosé stagne et que le rouge séduit de moins en moins de consommateurs. Dans ce contexte, la Bourgogne tire bien son épingle du jeu et son aura à l’international ne faiblit pas, bien au contraire. Bien évidemment nos grands Chardonnay ont le vent en poupe et nous avons une demande bien supérieure à l’offre… » Concernant l’attraction qu’exerce les Bourgogne, il alerte en ce sens : « Nous devons néanmoins rester prudents sur les prix et éviter de rendre nos vins inaccessibles. Au domaine Jean Fery nous privilégions évidemment le marché français et l’export représente 40% de notre CA. Sur le marché français , nous sommes uniquement sur le Café-Hotel-Restaurant (CHR) et gardons néanmoins une clientèle particulière qui reste fidèle au domaine depuis des décennies. » A bon entendeur !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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