Dégaine affûtée d’adolescent, tignasse bouclée, vêtements chinés, foulard « maison » à 35 ans, Marin Montagut sillonne de jour comme de nuit Paris en Vespa. La capitale est son moteur, sa muse, son port d’attache. Parisien d’adoption, Parisien de cœur. Parisien passionné.
Certes bien souvent, Marin s’échappe vers l’ouest pour se réfugier dans sa chaumière normande à colombages. Une maison de poupée presque où comme dans son appartement du XI e arrondissement sa décoration, ses objets révèlent sa personnalité, son goût des choses qui racontent une histoire. Il aime, comme sa maman brocanteur-antiquaire, chiner, dégotter des merveilles pour composer son univers, son cabinet de curiosités. Et comme sa grand-mère, peintre qu’il admire, il aime dessiner ce qui l’émeut, le touche. Parfois, lassé des lourds nuages gris, de la lumière plombée, il prend la poudre d’escampette pour se gorger de soleil et de couleurs acidulées en Sicile et au Portugal, deux pays qu’il affectionne. Mais à 19 ans, cet enfant du Sud, tombé raide dingue d’amour pour Paris y a élu domicile. Sa vie dès lors, entre les deux rives du fleuve a pris une toute autre tournure.
L’esprit vagabond, l’âme romantique
Après une année passée à Saint Martin School, école d’art et de design de Londres, puis une escapade sac à dos en Amérique du Sud, Martin Montagut se fixe dans la capitale, sollicite son imagination, convoque ses talents, papillonnant avec grâce et gentillesse. Lutin malin, l’opposé d’un Rastignac ! Aquarelliste, écrivain, designer, réalisateur, il trace son chemin au gré de ses envies, au hasard de ses rencontres, de ses balades à deux roues, franchissant les ponts qui enjambent la Seine avec délectation. Il imagine des guides, sur Paris bien sûr, qu’il illustre avec légèreté et publie chez Flammarion, crée des objets inspirés des quartiers, des jardins parisiens qu’il affectionne. Il travaille de concert avec quelques personnalités comme Inès de la Fressange, lance des collections capsules pour le Bon Marché, la Marque normande de tricots Saint James, le Comptoir des Cotonniers, dessine des papiers peints pour Pierre Frey. Et anime même, le dimanche, une émission sur Paris Première dans laquelle toujours et encore il offre aux spectateurs sa vision très personnelle de Paris. Etonnant Marin qui après des escales plus ou moins au long cours, des changements de caps bat enfin pavillon sous sa propre marque baptisée naturellement Marin Montagut.
Un concept store à lui seul
Sa Maison, sa griffe, se nourrissent de toutes ses expériences, de ses parcours, de ses voyages de son brin de folie, de fantaisie, de ses collaborations avec d’autres artistes, de ses trouvailles dénichées d’un bout à l’autre de la planète. Elles résument ses savoirs faire, s’emparent de ses délires d’artiste. L’aquarelle demeure son moyen d’expression favori. Ses pinceaux et sa palette dessinent en lignes douces des scènes tendres, exemptes de toute mièvrerie, donne un second souffle aux gravures anciennes glanées dans les vide-greniers, les brocantes, sur les quais. Comme un inventaire à la Prévert, ou la hotte d’un père noël fouineur et malin, le sommaire et les pages de son e. shop révèlent la production hétéroclite et superbe de ses ateliers aux Batignolles. Des pièces tirées en édition limitée et réalisées à la main. Ses boîtes à secrets en papier mâché pour glisser des mots d’amour, des photos rares, des mèches de cheveux, des bijoux précieux ou de pacotille, évoquent celles du XVIII e illustrées d’animaux. Ses couvertures en cashmere tissées à la main dans les ateliers mongols de Saved NY, invitent à s’y lover pour rêver d’ailleurs sans heurts, enveloppé de chaleur. Ses objets en verre soufflés à la bouche, peints à la main, carafes, gobelets, vases, rappellent ceux qu’on gravait autrefois à l’occasion des mariages, des baptêmes, des communions, des fêtes païennes ou religieuses. Et ses globes terrestres où les signes du zodiaque colonisent les continents et les douze fuseaux incitent à lever le camp. On pourrait passer en revue toute sa production artisanale, tout s’approprier, tout offrir, tant la poésie et la délicatesse signent chacune de ses pièces. « J’espère que dans le futur, les objets que je crée deviendront des objets d’autrefois qui évoqueront notre époque, notre ville. Des objets de mémoire, de transmission, des objets qui à l’interrogation d’Alphonse Lamartine « avez -vous donc une âme ? », répondront oui sans aucune équivoque, en toute évidence. »
Rêveur réaliste, utopiste bien ancré dans la réalité, Marin Montagut tel un alchimiste enchante le quotidien en l’habillant de passé proche et composé, unissant d’un trait de crayon hier, aujourd’hui et demain. En songeant qu’un jour il dessinera peut-être des cabanes dans les arbres… Un de ses désirs de toujours.
Texte : Anne-Marie Cattelain-Le Dû – Images : Ambroise Tezenas.