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Martin Maumet, cuisine « condimentée »

Tournée vers la nuance et l’équilibre, la juste cuisine au naturel de ce jeune chef, ex associé de William Ledeuil (Ze Kitchen Galerie, KGB…), fait dialoguer admirablement les saveurs avec harmonie. Une adresse référencée au Gault&Millau qui fait la part belle à une cuisine du coeur !

Repère, rive gauche, du galeriste et fin gourmet Kamel Mennour, ce restaurant (ouvert du mardi au samedi) porte fièrement le style au luxe décontracté de l’agence d’architecture intérieure Bateaumagne. Les fidèles viennent y chercher la saveur relevée et voyageuse avec des produits toujours extrêmement bien sourcés. En lieu et place de Kitchen Galerie Bis (KGB), l’adresse attire les amateurs d’une cuisine percutante portée par l’étonnement au palais. Passé par le  palace Byblos à Saint-Tropez sous l’égide d’Alain Ducasse et au Jules Verne durant deux ans, Martin Maumet incarne la relève de la gastronomie française conviviale avec le souci constant de faire plaisir au client. Second du restaurant gastronomique Ze Kitchen Galerie à 21 ans, puis chef du Kitchen Galerie Bis, le trentenaire aime les coups de feu et défend une cuisine de goût habitée par la spontanéité.

Dans cet esprit « restaurateur », le chef-propriétaire est guidé par une généreuse attention qui s’exprime sur 52 couverts. L’accueil par Romane Laignel, officiant en qualité de responsable de la sommellerie et directrice de salle, est amène et courtois. On débute notre dégustation, prévue à l’heure du déjeuner, avec les ravissants hors d’oeuvre servis par trois. L’effet de surprise est au rendez-vous et le premier vin sur l’accord nous réjouit. Le cru Manicle « Sous les rochers la vigne », 100% chardonnay du magnifique Domaine Bartschi nous comble avec ses notes beurrées et son sillage d’agrumes en vin du Bugey ne décevant pas. On retrouve bien la fraîcheur, l’acidité et la minéralité suffisantes pour accompagner au mieux ce décoiffant triptyque porté par le brocoli, le foie gras et le sésame. C’est réconfortant dès le départ. Le tartare, au prime abord un peu baroque, donne finalement parfaitement le la dans une harmonie de crémeux et de croquant. Belle surprise également sur le bouillon à l’esprit « fusion », soigné en art majeur, ouvrant comme une « troisième voie ». La jeune sommelière nous suggère alors le très urbain Mas des Agrunelles nous emmenant du coté de Saumur.

Entre réduction et concentration de goûts.

On savoure la rondeur du chenin avec un petit début d’oxydation qui accompagne à merveille la pâte, la bisque de crustacée et seiche. L’entrée est agréable, généreuse et particulièrement enveloppante. La bisque revient en mémoire de palais sur la fin. C’est encore une surprise dans ce parcours de goût et d’assaisonnement. Les Dentelles de Cucugnan (11) jouent de leur texture, de gourmandise entre réduction et concentration de goûts en soulignant l’amour du chef pour le  yuzu kosho et les variétés de piments travaillés sous forme de poudre, en version fraîche ou encore en pâte. Sur le choix du plat, on aurait pu se laisser tenter par l’admirable veau Coopérative Axuria (64) servi avec courge, salsifis et condiment pomme mais on optera en dernière minute pour le poisson. L’épatante aile de raie Port en Bessin (14) offre un paysage et un scénario des plus engageants établis avec grande finesse sous les lois de pommes de terre nouvelles, du chou, du jus de champignon, de l’anguille fumée et des algues.

L’accord mets&vins sur ce plat ne laisse aucune place à l’erreur. Quand survient la cuvée Les Centenaires de Frédéric Lornet, on sait intérieurement que l’on passera un bon moment avec ce Carignan blanc, un cépage fragile et rare car dur à vinifié. Ce remarquable vin « caméléon » fait honneur au plat et à la mer. La première bouche est timide. La seconde livre de l’amplitude sous des notes gracieuses de fruits à noyaux. Pour le dessert, il est hors de question de faire un choix. La carte qui a fait chanter les produits du marché sous des jus et des pointes de saveurs d’agrumes, d’épices, d’herbes nous promet encore des réjouissances. Sur notre lancée, on met en réunion sur la table trois merveilles dans un instant de partage : la séduisante glace butternut praliné graines de courges, la fascinante Poire (crème diplomate, sorbet tagète, shiso, crème citron, limoncello) et l’adorable  Pomme convoquant caramel de cidre, crème crue et condiment coing. On se laisse bercer, dans cet instant sucré merveilleux et régressif, par  l’élégant vin blanc doux portugais Aneto doué d’une belle vivacité. En quittant cette belle adresse, on se dit que l’on passe vraiment un bel automne gastronomique avec ce chef plein d’avenir qui présente chaque ingrédient, avec honnêteté, dans toute sa splendeur ! www.oktobre.fr