Pour le chef belge Christophe Hardiquest il y a l’esprit, l’âme et la table. Ces trois composantes fondent une cuisine autant qu’une philosophie tournées vers le retour à l’essentiel. Un vision durable de la gastronomie !
On ne vient pas ici pour vivre une expérience « vegan » mais plutôt pour convoquer dans l’assiette le jardin, la terre, la forêt et la mer avec cette citation de Léonard de Vinci à l’esprit : « Va prendre tes leçons dans la nature ». En effet, la table étoilée Menssa, attire à Bruxelles toutes celles et ceux aptes à entendre cette adresse comme un espace de reconnection à la nature en mesure de nourrir aussi bien le corps que l’esprit. On est tout de suite séduits, après de longs mois de travaux, par ce décor détonnant reconnaissable à son immense comptoir gastronomique en noyer belge et cet arbre de vie sculptural aux mille ramifications évoquant une clairière mais également toute la diversité de la culture belge. L’accueil divin, sans excès de zèle et porté par une belle énergie, nous dit que ce moment sera ponctué par la sincérité, la courtoisie et l’échange. On part sur le grandiose menu sept séquences, celui animé par toutes les valeurs de goût et de liberté de Menssa sous la houlette de celui qui présida aux destinées du célèbre deux étoiles Bon-Bon et toujours en charge du restaurant étoilé La Mère Germaine à Châteauneuf-du-Pape et de la brasserie de l’hôtel de Chetzeron à Crans-Montana.
Le chef se réinvente ici dans cette nouvelle aventure intuitive et un laboratoire de goût de haut vol. On entre dans cette approche « directe » avec l’éblouissant zéphir de verveine, formol de tourteaux et couteaux, caviar belge. Le palais vibre aussitôt. Arrive ensuite l’exceptionnel carpaccio de bœuf du jardin en vinaigrette façon Harry’s bar. On perçoit la philosophie du cueilleur. Le plat suivant comble nos papilles sous la subtilité d’un flan léger au jus de navet fermenté, tagète, haricots princesses croquants condimentés aux huîtres de Zélande. La partition sommelière donnera assurément le change, sur l’accords mets&vins avec un élégant sauvignon blanc Les Chênes du domaine des Hauts Bagneux, un complexe et charnu « A bouche que veux-tu » du Domaine des Terres Promises et l’expressif Constance&Clémentine du Domaine de Vinceline.
Prodigieux paysage de douceur et d’émotions.
Une pure merveilleuse orgasmique. La rétine jubile de nouveau quand se profile les magistrales raviolis d’artichaut à la barigoule d’herbes, bouillon végétal tranché à l’huile de coriandre qui ouvre un prodigieux paysage de douceur et d’émotions. Cette formidable dégustation nous livre un sidérant répertoire de sensations où l’humilité croise à chaque instant la gourmandise mettant tous les sens en émoi. On échange en parallèle avec la jeune brigade au comptoir qui nous parle avec justesse de l’histoire du produit dans l’assiette à la façon d’un voyage. Telle une apparition faisant que le temps subitement marque une pause, l’affolante barbue rôtie, ragout de petits-pois à l’oseille et curry vert, mousseline à l’amandon de pruneau crée un chavirement qui revigore, réconforte, titille et percute. Le génial horizon de saveurs, savamment étudié et pensé, livre une combinaison inouïe. Autre et dernière tendresse forçant l’admiration, l’exquise souris d’agneau confite, fondue basquaise aux cerises fraîches, raîta de shiso et menthe fraîche, polenta « vapocrémeuse » qui exprime toute l’inventivité du chef qui valorise chaque ingrédient sous les gestes transparents et familiers du cuisinier tout en nous faisant partager les secrets de la forêt de Soignes.
Le produit animal comme végétal est travaillé entre chaos créatif et quête des sens. A noter, le ravissement offert dans le verre par le remarquable Côte-du-Rhone Les Quartz Clos du Cailllou 2019. A l’heure du désert, le terroir reste plus que jamais sublimé avec le renversant fenouil au BBQ, crémeux blanc et sorbet framboise/sumac, béarnaise sucrée. C’est vraiment osé, particulièrement gourmand et totalement visionnaire en questionnant la maîtrise énergétique et la cuisine de demain. En quittant cette adresse de l’avenue de Tervueren, on garde en mémoire cette cuisine, aimant la « protéine intelligente » faisant appel au bon sens paysan, fonctionnant au coup de foudre et bouleversant allègrement les codes de la gastronomie. On laisse tomber le classicisme pour s’en remettre au chef au comptoir dans la logique japonaise « omakase » en lui rendant l’assiette vide sous une nouvelle orthodoxie. Et c’est tout simplement jouissif ! www.menssa.be
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
Contact Instagram