Dans les radars du Michelin, cette table de la rue de la Boétie à Paris régale ses clients par son atmosphère zen rétro chic et sa cuisine habitée par une joyeuse audace. L’amour du beau produit et des petits récoltants se dit ici dans l’assiette. Une adresse fort agréable !
Ce chef japonais (Crédit Photo @GéraldineMarte) qui sévit dans les vibrants fourneaux de cette table qui monte, située à deux pas du métro Miromesnil, justifie d’un parcours riche et plein d’allant avec notamment ses passages chez Les Enfants Gatés, Esquisse ou encore Canailles où il cultivait déjà son amour pour une cuisine ciselée et généreuse. Animés par une forte curiosité, on part à la découverte cette adresse ouverte en septembre 2022 qui ne devrait pas tarder, selon les dires, à décrocher sa première étoile. On veut en avoir le cœur net. A l’arrivée, les présentations courtoises se font avec le directeur de salle Yannick Precart (par ailleurs brillant mixologue ayant fait ses armes à Londres) et l’avenant chef sommelier Salah Boumalha. On part sur un sept temps. Les amuses bouches éveillent le palais avec un champagne Blanc de Blancs du jeune domaine EPC. On entame notre aventure gustative de l’accords mets&vins avec un thon sauvage de Bretagne accompagné de rhubarbe, fraises, betteraves, câpres, fromage blanc et écrasé de pistache sous un sympathique pinot noir d’Alsace.
L’entrée très « romantique » nous plait avec ses dégradés de rouges et de roses. L’étape suivante nous surprend par son audace avec un élégant pressé de poulpe et pommes de terre, porté par une salade de fenouil et céleri, une sauce aïoli et piment d’espelette. Un ravissant chablis 1er Crû du Domaine Louis Moreau, 100% chardonnay célèbre l’ensemble. Nos papilles se sont pas reste quand surviennent les raffinées asperges poêlées escortées par l’oeuf parfait, morilles, noisettes, huile de persil et sabayon. Coté partition sommelière, on part au nord de la Côte de Beaune, avec l’incontournable maison Champy qui nous offre un nectar aux notes de fleurs blanches et agrumes. Jusqu’ici tout va plutôt bien. On progresse avec la certitude que le meilleur est toujours à venir. Le plat signature qui fait son entrée magistrale confirme nos vœux.
L’intrépidité des saveurs dans un mariage heureux
En effet, la ravissante langoustine grillée et sa carotte travaillée en deux temps, convoque tous nos sentiments avec sa mousseline, sa carotte grillée, son jus de coquillages, son huile de livèche faisant écho au plat précédent et sa note de fruits de la passion. A cet instant, un princier Condrieu 100% viognet avec un beau corps révèle sur ce terre-mer son gras et des notes d’abricot et de pêche. On est comblés mais on en redemande et sommes à nouveau étourdis par l’admirable carré de veau rôti, sa réduction de jus de viande, asperge de saison et écume de lait au foin, purée d’artichaut, crème de cacahuète et oignons nouveaux. Une petite merveille qui trouve son équilibre avec le soyeux Saint-Emilion 350 Bellevue. Pour le moment du pré dessert, sous la houlette du chef pâtissier Jordan Papineau, on salue le dressage et l’intrépidité des saveurs dans leurs mariages heureux : voile de mangue, crème de chocolat blanc au jasmin, praliné de pistache, sorbet de fruits de la passion couronnés de fleurs de jasmin et de feuilles de tagète aux saveurs acidulées. Un Côte de Gascogne 100% Gros Manseng, moelleux, aux notes de fleurs blanches, miel d’acacia et zeste de citron dessine un horizon de doux plaisirs.
On pense alors étrangement aux danseuses de Degas. Le dessert fait son plus bel effet avec sa délicate sphère croquante au chocolat, émulsion au café, glacé à la vanille de Madagascar, champignon de Paris caramélisés. C’est inattendu et réjouissant. Un sake tiède aux saveurs de caramel beurre salé et chocolat blanc caresse en parallèle le palais en soulignant la tendresse du geste. Au sortir de la dégustation, on se dit que ce restaurant a vraiment un très beau potentiel, que la partition sommelière peut être tirée davantage vers le haut ( et encore) et que l’audace est ici une qualité qui a le mérite d’être saluée. Les équipes soudées constituent un dynamique concert au service d’une cuisine du cœur affûtée et sans bavardage. On aime les notes de jazz intermittentes qui traversent la salle et font de cette adresse une bulle de sérénité dans le ventre de Paris !
Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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