
A moins de deux heures de l’effervescence de Milan, Le Grand Hotel Villa Serbelloni est bien plus qu’une destination, c’est un voyage. Sur les rives du Lac de Côme, l’établissement de légende accueillait l’évènement phare de la gastronomie : Ischia Safari Bellagio. Au programme, 24 chefs de la Botte qui ont dévoilé les plus beaux parfums de l’Italie !
Si la Villa Serbelloni, à Bellagio, a toujours été, au long de sa glorieuse histoire, un écrin propice à porter, en son sein, les plus prestigieux évènements de la planète, elle a toujours su soutenir, à toutes les époques, des projets d’avant-garde ambitieux du voisinage de Bellagio et au-delà. Cette année, l’établissement confirme cet engagement en se faisant (pour une seconde édition consécutive et en exclusivité sur le secteur du Lac de Côme) le lieu de rendez-vous de l’impressionnant et acclamé Ischia Safari On Tour. En effet, le 5 avril dernier, 150 invités VIP ont été conviés, le temps d’une divine journée, pour découvrir le génie de 24 chefs Italiens au sommet de leur art : 14 chefs (dont six étoilés au Michelin et Pizzaioli) lors de l’Aperitivo dans les jardins du palace face aux Grands Hôtels Victoria et Tremezzo sur l’autre rive, 4 chefs opérant au déjeuner de gala dans la salle de réception historique Royal Hall et 6 chefs pâtissiers au temps du dessert à la Veranda.
Mais qu’est-ce exactement que Ischia Safari ? Retour sur un projet-ovni et 100% local, dans son essence, qui a pris, au fil des ans, une tournure de niveau national. En 2016, à Ischia ( petite île volcanique du golfe de Naples ) les deux chefs étoilés et amis Nino Di Costanzo ( deux étoiles Michelin ) et Pasquale Palamaro (1 étoile au Michelin ) décident d’organiser sur leur terre natale, en toute simplicité, un diner à quatre mains. Mais le succès est tel que les réservations triplent aussitôt et ne cessent d’exploser les années suivantes passant de 80, à 600 puis à 6000… La recette de ce succès fulgurant, repose avant tout sur les principes suivants : valoriser les rencontres humaines de dialogue dans la communauté culinaire transalpine à travers une aide mutuelle et un échange entre tous les chefs d’Italie. La valeur de la transmission de la culture culinaire italienne, en cultivant l’agrégation et non la compétition, fait partie aussi du brief. Autre action s’inscrivant dans la philosophie de ce rendez-vous d’un nouveau genre : participer à la formation des étudiants du monde de l’Hôtellerie en favorisant des bourses d’études tout en aidant les chefs moins connus sur tout le territoire de la Botte et parfois en baisse de régime. Tout est ici une vraie affaire de coeur, de générosité et d’entraide.
Face au retentissement de cet évènement fédérateur (appuyé tout de même, rappelons-le, par quelques 30 sponsors et marques partenaires) il est possible que naisse prochainement, dit-on, un pont avec la Champagne, à Reims, en novembre ou décembre prochain dans une démarche d’ouverture et non de conquête. Et en 2026, il est fort à parier que Ischia Safari s’ouvre au reste du monde, en ne se limitant pas à des chefs Italiens pour atteindre une dimension d’ordre international. Mais sans perdre de vue son caractère populaire. Quelque que soit l’échelle, l’éthique à vocation à rester la même avec l’idée de soutenir, dans un premier temps, les traditions gastronomiques françaises et italiennes d’excellence pour faire mieux face à une forme actuelle uniformisation de la cuisine dans un monde soumis (notamment sur le versant de la sommellerie) à des taxes toujours plus sévères. Le 21 septembre prochain, Ischia Safari enchantera de nouveau quelques 3000 passionnés de gastronomie sur son île avec un diner de gala (au prix 250 euros) et un ticket d’entrée plus accessible de 90 euros. Et l’histoire ne fait que commencer…
Comme un rêve éveillé
Repaire du gratin italien et de l’aristocratie européenne en quête de refuge où l’on peut rester incognito, Le Grand Hôtel Villa Serbelloni semble tout droit sorti d’un film de Visconti. Tout y est, du décor au récit cinématographique à l’oeuvre. Aucun cliché, simplement le constat que le temps marque véritablement une pause sur ses rives idylliques aux eaux émeraude où Georges Lucas tourna un épisode de Star Wars. On pense également au Film Casino Royal qui y trouvera quelques uns de ses décors. A proximité des mythiques Villa Melzi et Balbaniello, cet écrin plébiscité par l’aristocratie milanaise fut longtemps une immense demeure familiale en sommeil avant de devenir un hôtel en 1872. Les propriétaires actuels (la Famille Bucher à la tête d’une des plus grandes collections d’art du pays) ont conservé le mobilier d’époque et les lustres grandioses qui habillent les 95 chambres et suites. On se dit, à notre arrivée, que le village de Bellagio et ses alentours sont décidément comme une sorte de rêve éveillé loin de tout, protégé de tout. En 2025, la dolce vita n’a pas pris une seule ride dans cette parenthèse de volupté. Les villas patriciennes voisines, avec leur vue souveraine sur le lac, face au massif des Alpes (derrière lequel on imagine Saint-Moritz) stimulent notre imagination.
C’est ici que les « people » ou « célébrités », comme on dit, prennent leurs quartiers d’été. Ce n’est pas le prestige que l’on vient chercher sur ces berges bénies des dieux mais la villégiature, un art de vivre au coeur de l’un des plus beaux panoramas d’Italie. Churchill aimait, nous explique t-on, lors de la visite de la suite à son nom, peindre des heures durant depuis les terrasses de l’hôtel. Le souvenir est, à chaque instant, en devenir. Nous avons été invités pour vivre un moment de gastronomie d’anthologie autour des créations plus plus abouties des maestros de la gastronomie d’Italie. On garde en mémoire le magitral « donut verdure di campo » du grand « patron » Ettore Bocchia (pionnier sur la cuisine moléculaire italienne) qui faisait partie du quatuor de chefs du Gala 2025 Ischia Safari Bellagio. Deux restaurants rendent hommage à son génie. D’une part la Goletta niché à coté de la piscine et offrant l’une des plus belles vues sur le lac. D’autre part, le Mistral, avec sa partition gastronomique d’excellence. Avant de prendre notre vol retour, nous ferons une étape à l’incontournable spa Luce Del Lago ( un vrai must ) puis un crochet pas les jardins botaniques de la Villa Melzi. Nous sommes, géographiquement parlant, à la pointe du promontoire qui découpe le Lac. Au coeur de cette oasis enchanteresse ombragée, abritant des arbres et des statues multi-centenaire et fleurant bon tulipiers de Virginie, azalées et rhododendrons, notre grisante promenade, sur la péninsule de Lariana, devient quelque chose de cyclothymique. Et l’ivresse y est, qu’on se le dise, particulièrement délicieuse !

Journaliste spécialisé en art contemporain et design, Clément Sauvoy est également commissaire d’exposition et collectionneur.
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